UNE AUTO, UN MORCEAU : AUSTIN METRO & TAXI GIRL

« From London to Paris » pour les Taxi Girl… en Metro bien sûr!  (image générée par IA) 

C’est plus l’envie de vous faire (re)découvrir ce morceau que celle d’exhumer l’Austin Metro qui m’a fait écrire ce billet. Quoique… à bien y repenser, c’était à sa sortie une auto moderne, intelligente, et somme toute intéressante, surtout lorsqu’on sait quel était son géniteur, l’aimable foutoir British Leyland. En plus de ce que l’Angleterre savait faire de pire en qualité et de quelques autres menus défauts, son tort a sans aucun doute été de durer longtemps, longtemps… trop longtemps. Duracell a ses limites.

Curieusement, il semble que ce soit pour des raisons de propriété intellectuelle de nom que l’Austin Metro naquit « mini METRO » en 1980, et non pas parce qu’elle s’était vu assigner la mission de « tuer la mère ». La Mini, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, devait sa survie depuis déjà 21 ans (soit l’équivalent de trois générations d’automobiles modernes) à l’intelligence de sa conception avant-gardiste et à sa praticité de mouchoir de poche. Se rajouta au fil des ans une image qui finit par en faire une icône, à tel point qu’elle survivra deux ans à celle qui aurait pu l’enterrer et qui fit une sorte de syndrome de l’imposteur comme, plus tôt avant elle, d’autres précédents fameux dont, par exemple, 2CV vs Dyane, ou encore 911 vs 928 et autres « PMA ».

Extrait du dépliant 6 volets non daté mais que je suppose être de lancement. J’ai également le catalogue 24 pages qui reprend les mêmes visuels. Admirez les robots futuristes mais devenus tellement kitsch et l’intérieur en velours orange lui aussi délicieusement daté.
(collection personnelle)

Je ne vais pas vous raconter l’histoire du développement de la Metro, l’excellent site AROnline le fait très bien. Il faut savoir que la réflexion pour remplacer la Mini et/ou combler le trou béant dans la gamme avec l’Allegro n’a pas été un long fleuve tranquille, avec une multiplication de prototypes, incluant des réflexions par Alec Issigonis lui-même. Le résultat devait contrer les principales propositions de ce segment encore peu fourni à l’époque, avec la R5 par qui tout avait commencé et surtout la Fiesta, apparue en 1976, très moderne et très présente sur le marché britannique, bénéficiant de la position historique de Ford. Quelque part, le dessin général de la Metro n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de sa principale concurrente. Il traçait également la voie pour celui de deux rivales ultérieures de poids, Corsa et 205.

1982, apparition de nouvelles versions avec leurs catalogues tirés à part. La Commerciale, outre qu’elle est équipée de bavettes
bien peu esthétiques, se livre à une curieuse mise en scène pour un utilitaire entre chien et équipement sportif. (collection personnelle)

Le catalogue 1983 fait le choix qui paraît aujourd’hui curieux de présenter la gamme de l’entrée vers le haut. C’est ainsi que c’est…
la Commerciale qui occcupe les premières pages de la brochure ! (collection personnelle)

Les nouvelles déclinaisons luxe Vanden Plas (une Initiale avant l’heure) et sport MG font l’objet de tirés à part qualitatifs
avec papier respectivement façon doré et argenté. (collection personnelle)

Le millésime 1984 reprend la même curieuse présentation de gamme croissante. Cette année voit également apparaître
une première série spéciale « Gala », à peine un an avant la Renault 18 du même nom. Surprenant… (collection personnelle)

1985, le catalogue met en vedette la nouvelle carrosserie 5 portes que la Metro reçut en différé dans sa carrière, comme une certaine R5. Pour la dernière fois, la présentation de gamme continue à se faire en partant par le bas,
tandis qu’un curieux signe de ponctuation (coquille ?) agrémente le titre de couverture. (collection personnelle)

Dépliant et catalogue du millésime 1986, ce dernier adoptant enfin une présentation de gamme plus conventionnelle
en commençant par les finitions « mainstream » et hautes. Le catalogue 1987 reprend la même couverture. (collection personnelle)

1988. En toute logique, les séries spéciales battent leur plein pour animer la vie du Produit. (collection personnelle)

La Metro a connu une longue carrière, ce qui impliqua des évolutions d’état-civil, surtout dans un groupe à l’histoire si mouvementée tel que British Leyland/Rover. Née Austin mini METRO, elle devint au bout d’un millésime seulement Austin Metro pour le rester quelques années, jusqu’à la transition vers la Marque Rover. Il n’y aura jamais de Rover Metro, pour autant il fallait tuer la Marque Austin ; notre auto deviendra donc juste « Metro » pendant quelques millésimes, avant d’officialiser son changement en devenant Rover 100 à l’occasion d’un facelift en 1990. Cela aura bien du mal à cacher son âge et la voiture souffrira de longues années dans ce segment pourtant crucial en Europe avant de tirer sa révérence suite notamment à un crash test Euro NCAP désastreux qui, en 1997, ne mettait que trop le doigt sur sa conception dépassée.

Les catalogues 1988 et 1989 partagent la même couverture. En revanche, d’une année sur l’autre, les textes intérieurs actent la disparition de l’appellation Austin pour ne plus garder que Metro comme Marque générique. (collection personnelle)

Nouvelle édition de catalogue 1989 qui met en avant l’appellation unique Metro consacrée par un badge de calandre sans équivoque.
Quant au catalogue 1993, le doute n’est plus permis : la transition vers Rover est bien achevée. (collection personnelle)

La Rover 100 fut avec l’Opel Sintra l’une des deux voitures dont le crash test Euro NCAP crucifia la carrière commerciale.
(source : euroncap.com)

Musicalement, l’association avec le punk aurait été toute trouvée, vu la période de lancement de la Metro. Idéalement un Clash, « Should I stay or should I go », ou le un peu moins connu « The magnificent seven ». Pourtant, j’ai préféré la new wave avec les Taxi Girl, qui colle aussi très bien chronologiquement et dans l’esprit. Pas le connu « Cherchez le garçon », mais l’oublié « Paris ». Metro… métropolitain… même si ce titre n’a pas fait un « Tube », l’analogie est vite faite entre la british Metro et notre capitale, dans laquelle elle faisait aussi merveille.

L’écoute de ce titre vaguement pré-rap, aux synthés entêtants à la Orchestral Manœuvres in the Dark, est à proscrire en période de déprime. Il ne brille en effet pas par son optimisme et son ambiance joyeuse. Pour autant, 40 ans après et autant de recul, certaines de ses paroles paraissent prémonitoires. Je vous laisse juges :

« — Respire le bon air, mais fais gaffe quand même, tous les jours des mômes meurent d’en avoir respiré un peu trop » : ils ne seraient pas en train de nous faire le coup des 48 000 morts par an pour nous coller une ZFE ?

« — À n’importe quel coin de n’importe quelle rue, tu rencontreras n’importe quel type qui te proposera n’importe quoi » : visionnaire (cf « colline du crack » et bien d’autres endroits).

« — À Paris tout a tellement changé que ce n’est même plus une ville, c’est juste une grande poubelle » : visionnaire.

« — À Paris y’a rien à faire, juste marcher dans les rues » : (de plus en plus) visionnaire.

« — Eh mec ! Mec, comment t’épelles Paris?… » Je rappelle juste qu’on est 40 ans avant #saccageparis…

Une bonne grosse dose d’années 80 en mode désabusé… (source : youtube.com/@100chansonsfr)

Chemin faisant au long de l’histoire de la Metro, n’oublions pas non plus de citer un dérivé improbable, un Frankenstein boursouflé absolument hideux développé au milieu des années 80 pour la réglementation rallye Groupe B, j’ai nommé la 6R4. A défaut de conquérir au cours d’une très courte carrière de quelconques titres de noblesse en championnat du monde, elle roulera plusieurs années en championnats d’Europe et nationaux, dans lesquels elle accumulera un certain palmarès. L’ultime pied de nez décalé de cette voiture pas comme les autres sera de fournir son moteur à la (presque) fabuleuse Jaguar XJ 220…

Quand le gentil « carrosse » devient méchante citrouille… (source : 6r4.net)

Pour longue que la vie de la Metro ait été, elle a également été tumultueuse. Lancée au cœur d’une période socialement tendue (euphémisme) chez British Leyland qui frôlait parfois l’« anarchy in the UK », ses premières années ont été émaillées par les grèves ce qui, convenons-en, ne favorise pas spécialement un lancement et une montée en cadence industrielle sereins. Par la suite, outre son originale suspension Hydragas qui ne donnait pas satisfaction en termes de confort, elle a surtout été réputée pour sa fiabilité médiocre, tant on a rarement vu des ouvriers revendicatifs s’impliquer pleinement dans un processus qualité en production. Comme je l’ai raconté, elle aura aussi connu plusieurs identités et rebadging jusqu’à faillir, victime de ses défaillances structurelles bien excusables à son âge avancé. Sa biodégradabilité à outrance et son manque d’image font qu’il est devenu rare d’en croiser une, en tout cas en France. Pourtant, ce ne serait pas faire justice à son souvenir de ne la considérer que comme une voiture insignifiante : il ne faut en effet pas oublier qu’elle a grandement aidé à sauver British Leyland, telle la 205 avec Peugeot, grâce à ses très bonnes performances commerciales (notamment au Royaume-Uni) pendant les premières années. « BL » qui, en dehors de la Mini, n’avait pas grand-chose d’autre à vendre à côté…

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