(V8 + VE) = L’ÉQUATION QUI A FAILLI RUINER MES VACANCES !

9 Août 2025, Toulouse, canicule. Et là : c’est le drame ! Autant dire que jamais je n’aurais pensé faire ces photos… Et je ne le sais pas encore, mais je m’apprête à faire beaucoup plus vite qu’imaginé ma transition de « l’ancien » vers le « nouveau » monde ! (collection personnelle)
Il a été question, ces derniers temps, que l’Europe impose aux loueurs de devancer l’échéance de 2035 en ayant une flotte 100% VE (Véhicules Électriques, EV en anglais) dès 2030. Je viens moi-même d’anticiper ce scénario en me retrouvant, bien involontairement, en pareille situation, et c’est un euphémisme de dire que j’ai fort peu goûté l’expérience… Bienvenue dans « Mes voitures, mes amours (à 4 roues)… et surtout, surtout… mes emmerdes ! »
Cela fait 25 ans que l’histoire est bien rôdée. Chaque été, ou presque, nous partons en vacances à Ibiza, le temple de la musique électronique auquel ma deuxième passion ne pouvait que me conduire. Et plus d’une quinzaine d’années que nous faisons la plupart du temps le trajet en voiture, ce qui nous permet de rajouter quelques étapes notamment dans mon Sud-Ouest de cœur où j’ai gardé des attaches. Depuis 2016, c’est ma Jaguar XJ8 (X350) de 2006, que je vous présenterai en temps et en heure, qui a fidèlement assuré cette tâche chaque fois que l’occasion est survenue.
Juillet 2025. Mon Audi A8L 4.2 de 2001, que je vous présenterai aussi « le moment venu », sort d’une énième séquence de rénovation en 3 ans. Tout est OK et, avec le professionnel qui s’en est occupé de A(8) à Z(éro doute), nous sommes d’accord : elle mériterait de rouler, notamment afin d’éviter que courroies et autres durites ne se dessèchent trop. De toutes façons, ces autos sont faites pour avaler du kilomètre d’autoroute, et son espace généreux (châssis long) fera merveille pour caser les bagages de 3 personnes partant pour 3 semaines, le brief en la matière ayant imprudemment été : « no limit ! », dont, pour illustrer l’esprit, le Thermomix® et ses accessoires…
Vendredi 8 Août. Nous quittons la petite couronne parisienne pour notre première étape, Merville, au nord-ouest de Toulouse. Je suis confiant ; je n’ai pas lésiné sur le budget pour remettre l’auto à niveau après qu’elle ait été trop longtemps négligée par son précédent propriétaire pourtant plus que capé en la matière. Tout juste ai-je une légère petite musique d’inquiétude en tête ; je trouve en effet que la batterie n’est pas au mieux de sa forme ces derniers jours. Plus curieux, ce matin elle a calé après l’avoir démarrée. Inhabituel pour une boîte auto et encore plus pour elle.
Nous faisons la pause déjeuner à Limoges. Au moment de repartir, rien ne se passe après avoir tourné la clé de contact. Elle ne veut rien savoir. Je soupçonne tout de suite très fortement la batterie, d’autant que les batteries faibles n’aiment pas plus la grosse chaleur que le froid. Par chance, il y a un centre auto à 200 m, et heureusement ils ont une batterie compatible en stock. Je procède au changement et c’est reparti ; nous nous en tirons avec une perte de 40 minutes, un moindre mal. Cette fois, je suis vraiment serein : aucune raison qu’il puisse y avoir une défaillance de quelque autre nature. Ces autos sont réputées indestructibles…
Je ressens la même sérénité quand nous reprenons la route le lendemain midi. Pourtant, à peine un quart d’heure plus tard, en entamant la rocade M902 « La voie lactée » au nord de Toulouse, l’impensable se produit. Le moteur se met à brouter, les rapports refusent de passer, on dirait que la voiture patine à petite vitesse. J’ai tout juste assez d’élan pour la mettre à l’abri sur le premier refuge venu. Les tentatives de redémarrage seront toutes vaines : le démarreur lance le moteur mais celui-ci s’étouffe tout de suite. J’ai conscience que l’heure est grave, la panne sérieuse, que l’auto ne repartira pas par ses propres moyens, et qu’elle ne sera jamais réparée à temps pour nous permettre de poursuivre notre trajet comme prévu. (Depuis, le premier diagnostic effectué par le professionnel qui suit l’auto et chez qui elle a été rapatriée entre temps s’oriente vers la pompe à essence. À confirmer…)
Angleterre : 4 – Allemagne : 0. Ce trajet que ma XJ8 a accompli plusieurs fois sans faillir, ma teutonne, pourtant censée être d’une fiabilité exemplaire, ne le fera peut-être jamais ; elle vient en effet de donner un sérieux coup de canif au contrat de confiance qui l’unit à moi et, pire encore, à ma famille.
Appel à l’assistance, obligation de faire appel à un dépanneur agrée (cause voie rapide), de longues dizaines de minutes s’écoulent, dans la fournaise toulousaine de cette journée de canicule, avant que l’on voie enfin apparaître un patrouilleur, puis, encore un long moment après, un dépanneur. Ce dernier embarque, et la bête blessée, et mes femmes, tandis que je prends la direction de l’aéroport de Blagnac. L’attente nous a en effet laissé plus que le temps d’échafauder les hypothèses de suite : retour express à Paris pour moi pour redescendre avec la XJ8 (ce qui implique notamment 24 heures de blackout dans le planning dont une annulation non remboursée – bon, si j’avais su… encore eut-il fallu que… bref… avec le recul ça aurait peut-être été une bonne option ?), ou location d’une voiture sur place pour limiter la rupture de charge dans le trajet. C’est donc la seconde option que nous avons choisie (dans l’urgence), en faisant la réservation théorique d’un « Arkana ou équivalent » auprès de Budget via Holiday Autos pour s’efforcer de limiter la casse tarifaire.
En arrivant au comptoir de Avis/Budget, première mauvaise surprise : ils n’ont pas trace de la réservation de Holiday Autos alors que je suis pourtant allé jusqu’à donner un accord Carte Bleue pour claveter la location. Deuxième mauvaise surprise qui n’en est pas vraiment une : malgré un interlocuteur compatissant, je vais me faire assassiner niveau tarif, lastminute étant l’antonyme de bonne affaire. Quant à la troisième mauvaise surprise, elle va me faire boire le calice jusqu’à la lie :
« — Un jour comme aujourd’hui, toutes nos voitures sont sorties… il ne me reste que des voitures électriques. » (ah bon, les clients n’en voudraient donc pas ?)
Mon interlocuteur ne doit pas se douter que, sous ma poker face habituelle, je me décompose intérieurement. Ceux qui me connaissent, notamment sur un célèbre réseau social professionnel, savent combien je ne porte pas la voiture électrique dans mon cœur. Je nourris aussi des inquiétudes bien réelles sur les questions d’autonomie dans le cadre de longs trajets. Mais il me faut faire preuve de pragmatisme. L’objectif du moment est double : sauver nos vacances et, plus immédiatement, raccourcir au maximum le séjour de ma femme et ma fille chez un dépanneur que j’imagine (à juste titre, comme la réalité le prouvera) glauque à souhait. C’est cette urgence qui fait que je ne procèderai même pas à une étude comparative sur place avec les Hertz, Sixt et autres Europcar pour éventuellement trouver moins cher et/ou une thermique.
« — Et qu’est-ce que vous avez comme électrique ?
— Je peux vous proposer une Mégane…
— Non, pas assez gros et volumique !
— Si, pourtant, c’est gros !… »
Non, je vois très bien ce que c’est qu’une Mégane. Je sais pertinemment que tous nos bagages ne rentreront jamais dedans. Je me vois mal en laisser une partie dans l’A8 dont j’ignore complètement où et quand je la retrouverai…
« — J’ai bien un Mercedes EQB au sous-sol… mais on va exploser le tarif. Ah si, tiens… j’ai un ë-C3 Aircross. »
Je vois à quoi ça ressemble pour l’avoir aperçu au dernier Mondial de Paris, et je pense qu’au niveau habitabilité ça pourrait être compatible. Intuition confirmée en demandant à voir la chose, et qui sera validée quand je la chargerai. C’est comme avec l’A8, coffre plein et banquette AR à moitié occupée.
« — OK, je prends ça. »

Si vous en doutiez encore, louer en lastminute est tout sauf un bon plan… (collection personnelle)
Je rajoute un « abandon » en partant du principe que je garde l’auto jusqu’à notre retour à Paris. Puis cette vague angoisse sous-jacente finit par m’étreindre et remonter à la surface.
« — En autonomie, ça donne quoi ?
— Euh… (regardant l’écran de son PC) Entre 300 et 400 km… »
Même si son ton hésitant n’est pas pour me rassurer (j’appendrai ensuite que ce sont ni plus ni moins que les données Constructeur en fonction du terrain d’évolution), j’essaie de rationaliser. Notre prochaine étape, Lloret de Mar, est à 340 km. Du coup, ça devrait passer sans recharger…
« — Et sinon, comment ça marche ? Il y a des choses particulières à savoir ?
— Non, vraiment, rien de spécial. S’il y a des choses que vous ne comprenez pas, revenez me voir…
— Et pour recharger ?
— …
— (son collègue) Moi je vais de préférence sur les bornes Electra, parce qu’il n’y a pas besoin de créer de compte. »
C’est nanti de ce néant d’information (et d’une quasi absence de documentation de bord à part un digest aussi famélique qu’un sandwich d’autoroute) pour un béotien du VE tel que moi que je jette un dernier coup d’œil au coffre, pour constater que le double fond dissimule un fatras de câbles artistiquement disposés, qui me parlent sans me parler. Un câble pour la recharge domestique, ça c’est assez clair, et un autre câble de liaison dont je n’ai guère idée pour l’instant de l’usage qu’il pourra me faire. Je me dis que, par prudence, il vaudra mieux juste le laisser « en surface » plutôt que devoir décharger le coffre pour le mobiliser en cas de besoin.
Me voilà donc en pleins paradoxes.
Celui d’avoir, en temps normal, 6 morceaux de noblesse automobile dans mon écurie, entre limousines, voiture de rallye en tenue de ville, coupé (et compacte… mais c’est une Alfa), pour me retrouver avec un SUV, pour moi le summum de la vulgarité automobile actuelle, et le symbole de cette nouvelle civilisation du fake qui fait acheter du tout-terrain Canada Dry à tour de bras.
Celui de disposer, en théorie, de 35 cylindres, 148 soupapes, 5 turbos, et 1 495 ch pour devoir les échanger avec un « moteur électrique synchrone à aimants permanents » de 113 ch.
Celui de pouvoir stocker plus de 400 litres de sans plomb contre 44 kWh (ce qui ne me parle absolument pas).
Celui d’abandonner mon V8 pour un VE.
Un grand moment de solitude automobile… mais ce n’est pas l’heure des états d’âme, et certainement pas de la détresse.
Je n’avais quasiment jamais conduit d’EV avant. Tout juste une trentaine de km au volant d’une Peugeot Ion de pool, puis trois fois moins aux commandes d’une Tesla Model S en convoyage. Rien qui m’ait laissé un a priori positif sur l’EV, vif mais fade, linéaire, sans âme. Pour autant, la prise en main du ë-C3 Aircross est fluide (pour un habitué des boîtes autos), une fois passée la surprise de la ridicule mise de contact avec la clé au lieu du bouton poussoir plus traditionnel sur ces engins, et du bip anxiogène qui signifie en fait que l’auto est prête à rouler. Mon regard est tout de suite hypnotisé par la très voyante jauge d’énergie, avec laquelle je démarre à 84%. Je fais un détour pour -enfin- arracher mon épouse et notre fille au lieu inhospitalier dans lequel elles sont échouées, et nous reprenons -enfin- notre route brutalement interrompue. Et plus précisément l’autoroute, direction l’Espagne.
Nous sommes chargés et il fait entre 34 et 38°C. Et, même si j’ai tout de suite compris que mon deuil allait aussi concerner le limiteur réglé à 154 km/h, j’estime tout de même que cette auto qui est censée faire oublier le thermique doit au minimum pouvoir croiser à la vmax règlementaire soit 130 km/h stabilisée au limiteur ce qui n’a vraiment rien d’extraordinaire. Après tout, une auto capable de faire envie à des oursons si mignons et de rouler dans des grands espaces doit pouvoir assurer une certaine vocation familiale et polyvalente.
Spot pub de lancement prudemment centré sur l’Hybride, « disponible aussi en Électrique »… peut-être parce qu’en Électrique,
chargée à bloc (en passagers et en bagages), les oursons si mignons auraient doublé la voiture ? (source : youtube/@AMchaine)
Pourtant, mon utopie de rallier ma destination sans recharger ne va pas durer longtemps. Je vais vite déchanter en voyant à quelle vitesse fond la jauge. Dans ces conditions, l’autonomie semble plus proche des 150 km, ce qui fait de n’importe quel trajet autoroutier un long pensum dont on est impatient de voir la fin. Dans la pratique, pleinement victime de la fameuse « range anxiety », j’ai commencé à m’alerter dès l’atteinte des 30%, en m’arrêtant en début de panique à la station Ionity de Corbières Sud, soit seulement 125 km après mon point de départ ! Me retrouvant là pour ma toute première recharge comme une poule devant un couteau avec mon câble de liaison dont je ne sais que faire, essayant de trouver un connecteur qui soit compatible… Pas briefé sur cette manipulation, j’en étais resté aux câbles des hybrides rechargeables 5 ans avant, dont déjà à l’époque je ne savais pas trop ce qu’on en faisait. C’est mon épouse, en allant espionner ce que faisait la « concurrence », et mon voisin de charge qui dénoueront le problème en me disant qu’il faut se servir du « pistolet » pour recharger… Une première séquence d’une trentaine de minutes pour remonter à 83% (j’avais déjà bien en tête la fameuse règle du 20 > 80), qui sera mise utilement à profit pour une pause sandwich, l’occupation habituellement mise en avant par les EVangélistes (apôtres de l’EV) en pareille circonstance.
La deuxième recharge surviendra seulement 124 km plus loin, à la station Ionity du Village Catalan alors que l’autonomie restante est -déjà- retombée à 30%. Je ferai, 111 km plus loin, une troisième et dernière charge de précaution à la station Ionity de Gérone, tombé à 42% mais craignant que l’on ait du mal à atteindre Lloret (à une trentaine de km de là) et surtout Barcelone, dans l’ignorance de l’existence de stations de charge à Lloret.

Déjà la deuxième recharge, au soleil déclinant, sur l’aire du Village Catalan. Lloret est encore loin ! L’ennuyeux,
c’est qu’on n’a plus rien à faire sauf à attendre… attendre… « Voyagez zen en électrique », qu’ils disaient… (collection personnelle)
Les premières expériences apportent leur lot de bon et de moins bon. Pas d’attente car toujours des bornes disponibles (y compris grâce à la chance à la station de Gérone qui est plus petite) ; par contre, une fois le ravitaillement en nourriture effectué, les pauses suivantes ne sont qu’ennui et attente stérile de pouvoir repartir. Le mythe EVangéliste de la « pause de 20 minutes que de toutes façons vous auriez faite et que vous allez passer à manger » va faire long feu. 2 fois 25 ou 30 minutes à ne rien faire, c’est vite interminable alors que l’on pourrait rouler… Enfin, il y a un monde entre les aires d’autoroute françaises, toutes équipées en stations de recharge, et les espagnoles. La première après la frontière que nous testons dispose en tout et pour tout de 2 points de charge tous 2 condamnés… je sens tout de suite que l’autoroute espagnole va être le salaire de la peur (de la panne sèche version atomique).
1 h30 de pause forcée sur un peu plus de 300 km de trajet, c’est d’autant plus long lorsqu’on voudrait « tenir » un horaire. Une arrivée initialement (avant la panne) prévue à 16h au départ de Merville, c’était parfait pour le pitch du jour : faire découvrir le -rare- pittoresque, et surtout les tentations, de Lloret de Mar de façon encadrée à notre fille, qui commence à entendre parler de cette destination par d’autres canaux plus tentants que l’officiel paternel et ses frasques passées. Un panel complet, de jour et de nuit, passant notamment par (ne me remerciez pas, le tuyau c’est cadeau) La Fusta, « mon » restaurant historique et le seul à peu près valable dans cette ville dédiée aux plaisirs de jeunesse, à commencer par la junk food.
Las, suite à cette journée « loi de Murphy », notre arrivée se fera à seulement 21h30, une part sensible (1h30 au bas mot) de ce retard étant due aux contraintes de la voiture électrique. Après le temps incompressible de se poser et se préparer (celles et ceux qui ont des ados filles comprendront), nous essuierons plusieurs refus de restos dont « la cocina está cerrada ». ¡ Hasta luego La Fusta ! (même pas tenté), mais l’essentiel -la sortie en boîte accompagnée- sera préservé. Néanmoins, le séjour est compressé et bousculé… la « fête » est gâchée.
Comme un des maîtres mots de l’EV semble être la planification, comme dans les régimes communistes, je charge -décidément c’est le mot star de la discipline- l’application Chargemap, qui m’insuffle un vent d’optimisme en me laissant espérer que je puisse rallier Barcelone (un peu moins d’une centaine de km par l’autoroute) le lendemain sans recharger et avec 24% à l’arrivée. Ce sera en effet le cas avec même un peu plus d’autonomie restante qu’estimé. Dans l’intervalle, je commence à anticiper les problèmes de charge à Ibiza et Chargemap me donne des sueurs froides. 3 chargeurs recensés sur la ville d’Eivissa, 1 seul sur la ville de San Antonio dans l’ouest de l’île, vers là où nous allons être, 1 autre point dans l’Est, et rien d’autre de compatible ailleurs… En attendant, nous nous mettons en quête d’un chargeur à Barcelone car nous sommes en zone de danger, vers les 20%. Dans ce tissu urbain dense, Chargemap pêche par manque de précision. Nous tournons autour de 2 points de charge sans jamais les trouver. Finalement nous atterrissons dans le parking souterrain -payant- d’un centre commercial avec 2 chargeurs Tesla pour lesquels je suppose que je n’ai pas l’accès, et 2 chargeurs « autres » qui nécessitent le câble de liaison mais qui fonctionnent. Soulagement. Puis déception après être resté 3 heures sur place, en retrouvant l’auto : elle n’est chargée qu’à 53% alors que je vise 100% pour « affronter » Ibiza et sa pénurie supposée de chargeurs. Je commence déjà à me préparer mentalement à la corvée d’aller en pénitence à la station Ionity la plus « proche », qui se trouve à une douzaine de kilomètres, quand, divine surprise, nous découvrons à l’arrivée à notre hôtel deux points de recharge domestique dans son parking. Pouvant l’occuper une trentaine d’heures, nous embarquerons pour Ibiza l’esprit plus léger avec une auto chargée pour la première fois à 100%.

Paradoxalement un des meilleurs moments des vacances : l’attente… pas pour recharger mais pour embarquer pour l’Ibiza tant aimée !
Avec quand même une certaine angoisse concernant les « puntos de carga »… (collection personnelle)
Comme, en débarquant à 7h du matin à Ibiza, nous n’avons que ça à faire, avant de nous mettre en quête d’un petit déjeuner, nous commençons par repérer les points de charge de la ville potentiellement salvateurs. Mais nous allons en découvrir d’autres ailleurs non répertoriés sur Chargemap et qui, comme pour nous, seront autant de bonnes surprises pour les prochains arrivants utilisateurs de l’app qui est donc loin d’être complète. C’est particulièrement le cas du réseau Melib, implanté dans pas mal d’endroits de l’île et financé par la Communauté des Baléares, et qui met à disposition du 22 kW (ou parfois seulement du 8 kW) gratuitement dès que l’on est enregistré sur l’application dédiée. C’est encore plus intéressant si l’on considère que certaines bornes offrent ainsi un lieu de stationnement gratuit et bien placé. Ne disposant pas de possibilité de recharge domestique dans notre location, nous ferons un usage immodéré, même si parfois nous sommes déjà chargés à plus de 90%, de la borne la plus proche, celle de Cala Vadella, qui « accessoirement » permet de se garer au plus près de la plage. Quand elle n’est pas déjà occupée bien sûr, y compris par une thermique…

… Inquiétude assez vite dissipée. Ce qu’on aperçoit en arrière-plan, c’est la mer, avec donc la plage toute proche,
un des gros intérêts de la borne de recharge de Cala Vadella. (collection personnelle)

Autres intérêts : elle charge en 22 kW… et surtout elle est gratuite !
Ne me remerciez pas pour le tuyau, je n’ai aucune intention de revenir en VE… (collection personnelle)
De manière générale, je me surprends à développer une curieuse addiction. Tendu par la relative rareté des bornes et par le temps de recharge, je deviens junky de l’électron, Mad Max de l’ion, jusqu’à générer des dialogues qui seraient tout à fait saugrenus transposés au thermique :
« — Pourquoi choisis-tu l’entrée Nord de Cala Tarida ?
— Parce que c’est là qu’il y a la station-service ! »
« — Quelle cala on fait ce matin ?
— Vadella parce qu’il y a la station-service ! »
« — Je suis content, j’ai fait le plein ! »
« — Mince, la station-service est pleine ! »
Je me mets aussi à convertir les trajets entre les différents points d’intérêt en % de batterie… Je sais par exemple que juste la côte qui remonte de la plage la plus proche jusque chez nous, c’est déjà 3%. En fait, en thermique, on est habitué à l’autonomie restante de l’ordinateur de bord, exprimée en distance. En VE c’est exprimé en permanence et en gros en % de batterie ce qui ne veut rien dire. C’est juste un point de stress majeur. Puis j’ai fini par trouver au cours du séjour l’ordinateur de bord qui me donne l’autonomie restante en km. Pas tellement plus rassurant et d’ailleurs au global (et hors usage autoroutier), on n’y est pas, aux 300 km d’autonomie totale, et encore moins aux 400 km. En fait c’est la recharge qui stresse… trouver un point en état de fonctionnement et disponible, et disposer d’assez de temps. Autant de charge mentale que l’on n’a pas en thermique.

La vraie vie en familiale électrique, c’est ça : chargé à bloc (en énergie, pas en bagages), moins de 300 km d’autonomie en utilisation petites routes d’Ibiza. Ça fait peu, surtout avec les contraintes de disponibilité des bornes et de temps de recharge…
(collection personnelle)
Je passe sur les réseaux de recharge qui exigent pour certains de créer un compte sur leur site pour pouvoir charger, pas terrible quand pendant ce temps la petite famille s’impatiente. Un peu comme si certains pétroliers exigeaient qu’on prenne leur carte de fidélité pour pouvoir ravitailler…
Je passe aussi sur l’écosystème des bornes de recharge où on découvre que certaines sont en 22 kW, alors que d’autres du même réseau sont, sans raison apparente, seulement en 8 kW, ce qui impacte grandement le temps de charge…
Pas simple, tout ça…
Tiens, en parlant des choses agaçantes, comment l’ancien Chef de Produit qui sommeille toujours en moi juge-t-il ce ë-C3 Aircross ? Esthétiquement, ce n’est pas trop ma tasse de thé. Il faut lui reconnaître de s’afficher pleinement comme SUV par sa face AV. Par contre, je n’aime pas du tout toute la partie AR que je trouve torturée, même si le noir qui habille le « mien » masque un peu cette débauche d’effets de style.

Si ça veut avoir l’air d’un SUV, c’est réussi ! En tout cas à l’avant… (collection personnelle)
J’aime bien l’affichage tête haute très réussi (qui rappelle vaguement l’écran d’instrumentation de… C6 je trouve), de même que les feux de route automatiques. Le confort (sièges et suspension) fait aussi partie des points forts. Au rayon des choses qui agacent, forcément, les aides à la conduite (alerte de survitesse par rapport aux panneaux et aide au suivi de ligne) horripilantes qu’il faut désactiver à chaque redémarrage, merci GSR2. Mais aussi le volant boursouflé et surchargé avec ses 2 branches ridicules comme son méplat inférieur de compétition, et gainé d’on ne sait quelle matière, la fiche technique gardant pudiquement le silence sur le sujet (on me souffle dans l’oreillette qu’il s’agirait de peau de Plasticus Vulgaris). Tout aussi ridicule est le son du klaxon produit lorsque l’on appuie sur sa partie centrale. Je ne suis pas séduit non plus par la qualité perçue qui émane des plastiques et du bruit de la fermeture des ouvrants ; on sent bien que tout l’argent n’est pas passé dedans et que la nouvelle cible de Citroën est devenue Dacia. Quant au merveilleux silence si souvent mis en avant comme atout majeur par les EVangelistes, il est plus que surfait : non seulement le propulseur émet un sifflement nettement audible en accélération, mais les bruits de roulement sont très présents à n’importe quelle vitesse. Inutile de dire que je préfère, définitivement, la mélodie grave et rauque d’un V8 et le -vrai- silence de roulement d’une Limousine.
Accessoirement, la recharge est, elle aussi, loin d’être silencieuse : bourdonnements, vibrations, et souffles de ventilateur venant abruptement du compartiment moteur battent en brèche, là encore, le mythe du VE totalement insonore.

Certains diront « bah, un peu plus ou un peu moins de bazar… » Personnellement, je trouve ce gros câble (laissé sorti car utilisé à 100% à Ibiza) bien encombrant. Pire encore quand il s’emmêle. (collection personnelle)
Sur petites routes et sans chargement, l’auto a un niveau de performance tout à fait correct. Elle permet de rouler plutôt vite pour ses 113 ch, mais je regrette la linéarité du fonctionnement moteur et l’impossibilité de rentrer un rapport comme sur une thermique (manuellement ou en kick-down) afin d’être toujours dans la plage de régime optimale. Le fonctionnement typique de l’électrique impose de bien calculer son coup pour un dépassement car il n’y a pas ce filet de sécurité. A l’usage, il arrive que ce soit sérieusement flippant (c’est du vécu) si le couple (et donc la reprise) est surestimé.
L’autre regret, et il est encore plus critique, concerne l’effondrement des performances en charge. Le couple devient alors complètement étouffé et les relances s’en ressentent, notamment sur autoroute. Pire encore, il m’est arrivé au moins 2 fois d’aborder des rampes de sortie de parking souterrain à fort pourcentage et de me demander si l’auto allait en venir à bout… Pour une voiture à vocation familiale et donc censée pouvoir être chargée, c’est quand même problématique.

Oui, bon, OK, on ne sait pas voyager léger… mais dans une Limousine, ça passe ! Dans un ë-C3 Aircross, tout familial -mais pas Limousine- qu’il soit, c’est plus tendu et surtout ça impacte sensiblement le niveau de performance. (collection personnelle)
Le reste du séjour se passe assez tranquillement, avec toujours un œil sur cette fichue jauge capable de descendre vite avec le relief, et des stationnements recharge quasi-quotidiens pendant notre temps de plage à la borne de Cala Vadella, « une bénédiction » selon les termes de mon épouse.
Arrive fatalement le départ, avec l’appréhension du maillage des bornes pour le retour sur le continent espagnol, pour lequel j’ai échafaudé mon plan de bataille, qui commence par partir chargé à bloc (88% à l’embarquement sur le ferry). Et je ne peux pas compter sur Chargemap qui buggera obstinément quand je lui demanderai de planifier le trajet Calella > aire du Village Catalan, un autre trou dans la raquette de cette app.

En attendant l’embarquement du retour, recouvert de la traditionnelle couche de poussière d’un séjour à Ibiza… (collection personnelle)
Après une nuit sur la côte catalane pour cause d’arrivée quasi-nocturne sur le continent, nous attaquons donc la nouvelle épreuve : le retour sur Toulouse ! Je sais que je n’atteindrai pas la France et ses salvatrices bornes sur aires d’autoroute sans recharge intermédiaire. Je refais donc étape de précaution à la Ionity de Gérone où je repasse d’un peu plus de 40% à 81%. Puis l’étape suivante dans laquelle je m’enhardis à aller flirter avec la limite basse de 20% – l’auto affichant un « low battery » (malgré tous mes efforts dans les menus idoines, elle a toujours obstinément refusé de parler français) à l’atteinte des 25%. C’est donc au bout de seulement 158 km (mon record absolu) et à 17% de charge que je refais « le plein » sur la station Total Energies de La Palme à hauteur de 81%. Et c’est reparti pour le saut de puce suivant qui me verra m’arrêter à la station Engie de Port Lauragais nord à 20% au bout de 150 km, pour en repartir chargé à 85%. Destination finale aéroport de Toulouse Blagnac où je devrai faire un dernier complément de charge (Electra) afin de restituer la voiture à plus de 70% (suivant contrat).
En effet, après le premier périple autoroutier, je ne me voyais vraiment pas devoir faire Toulouse > Paris et en plus une étape dans le Quercy blanc avec la perspective de devoir m’arrêter une 1/2 heure tous les 150 km. Pour mettre fin à ce calvaire, j’ai demandé à mon interlocuteur de l’agence Avis de Blagnac aéroport, toujours empathique et compatissant, de pouvoir échanger l’auto contre une thermique ou une hybride, ce qu’il a naturellement accepté. Après déchargement puis rechargement, je récupérerai finalement une Toyota Corolla break Hybrid, dont la principale qualité, outre me faire revenir plus ou moins dans le monde thermique bien entendu, sera son volume intérieur qui en remontre au C3 Aircross, notre fille pouvant enfin voyager sans que divers bagages ne lui tombent dessus de temps à autres…

La délivrance, en changeant encore de monde pour passer du « nouveau » à l’« intermédiaire » !
En me demandant au passage si je ne risque pas de me faire héler en pensant que je suis un VTC… (collection personnelle)
L’ironie de l’histoire veut que je teste une fois de plus un choix technique différenciant, hybride + CVT, que je n’avais jamais roulé. La prestation globale est globalement sans surprise, la voiture est sérieuse, conformément à son image. Je ne suis pas fan du caractère moteur, totalement linéaire, et très sonore en trajet autoroutier, particulièrement en relances et dans les côtes. Les 140 ch semblent être là mais n’en font pas une auto dynamique pour autant. Pas conquis non plus par la CVT, je trouve assez déstabilisant de ne sentir aucun passage de rapports. Pas séduit enfin par les matériaux et l’ergonomie à la japonaise, ni par les dispositifs GSR2 (aussi horripilants que sur la Citroën et plus difficiles à déconnecter). Mais le produit fera son office, sans exaltation.
Au global, quel est le bilan de cette expérience forcée d’un peu moins de 1 600 km en électrique, tout de même représentative ? Je resterai marqué par le stress obsessionnel de la jauge qui descend, et par le souvenir des pauses recharge interminables (30 minutes) et rapprochées (tous les 120 à 150 km). L’électrique est peut-être une option pour la ville et avec une possibilité de recharge domestique, mais dans l’usage que j’en ai fait ça ne m’a absolument pas convaincu. En dehors du coût d’utilisation (cf ci-dessous), je n’en ai vu aucun des avantages dont les EVangélistes nous rabattent les oreilles à longueur de temps.
Pour finir, et bien que je n’aie pas la prétention d’être devenu la bible en la matière, voici mes 10 commandements du ë-C3 Aircross (partiellement transposables au VE en général, je vous laisse identifier lesquels) :
1 – Des économies à l’usage tu pourras faire : si le surcoût de l’électrique est conséquent à l’achat, il est vrai que, pour le moment, et en l’absence de transfert de collecte de TIPP, l’avantage de l’électricité sur le pétrole est imbattable. Pour un peu moins de 1 600 km, j’ai consommé 112 €, incluant une quasi-gratuité pendant les 2 semaines à Ibiza. C’est 3 fois moins que ce que m’aurait coûté l’A8.
2 – Respectueux tu seras : je l’ai toujours été vis-à-vis des places réservées au rechargement des voitures électriques mais mon expérience me renforce encore dans ce comportement. Rien de plus frustrant et agaçant quand on a cruellement besoin de se recharger que de trouver une thermique ou une hybride sans câble en train de squatter une place pourtant annoncée comme disponible sur une app.
3 – Le coffre en bazar tu accepteras : ou comment réinventer la problématique de la roue de secours au fond du coffre qui oblige à tout vider en cas de crevaison. Pareil pour les câbles de recharge dans le compartiment sous coffre. Du coup, par commodité on laisse « en surface » (comprendre : traîner dans le coffre) mais sans souplesse (à cause du fil à la patte du câble additionnel antivol) celui dont on se sert régulièrement, ce qui n’est ni décoratif, ni vraiment fonctionnel.
4 – Léger tu voyageras : impératif pour espérer garder un minimum de performance (« reprises » notamment), et pour que n’importe quelle rampe de parking souterrain ne devienne pas un Everest du quotidien.
5 – La lenteur tu chériras : entre une vmax digne d’un escargot cacochyme (143 km/h), une moyenne autoroutière poussive, par force, et des temps de rechargement interminables, la voiture électrique donne une autre dimension au temps, une sorte de retour vers le passé, avant l’instantanéité du téléphone portable et la vitesse prodigieuse de l’ADSL.
6 – Avec le stress tu composeras : il faut être solide mentalement pour supporter la baisse continue de la jauge d’énergie % par %, et, hors autoroute française, pour s’obstiner à trouver une borne disponible, la première épreuve pour les nerfs étant parfois de trouver la borne elle-même, malgré, ou à cause, de Waze et de Chargemap, possiblement aussi imprécis l’un que l’autre.
7 – L’autoroute tu éviteras : non seulement à cause de la vmax (cf cinquième commandement), mais bien plus encore de l’autonomie ridicule qui impose des rechargements interminables (cf cinquième commandement toujours) tous les 150 km.
8 – Souvent tu t’arrêteras : on en revient encore et toujours à cette autonomie insuffisante qui multiplie les recharges y compris de précaution. Alors certes, je n’ai pas connu d’attente aux bornes (sur autoroute), mais on tourne vite en rond niveau occupations. D’autant que l’exposition trop prolongée aux paysages des aires d’autoroute ou de la Ionity de Gérone à la lisière de la zone d’activités est à déconseiller aux dépressifs, sauf à compenser avec la nourriture. Et si c’est pour devenir obèse à force de faire des pauses, alors il vaut mieux rester en thermique.
9 – Au hasard tu t’en remettras : entre la loterie des puissances des chargeurs et les trous dans la raquette de Chargemap (en Espagne), un certain fatalisme finit par s’installer (se reporter aussi aux cinquième et sixième commandements).
10 – Malgré toi tu pollueras : certes, l’électricité est majoritairement décarbonée en France (nucléaire) et sur le continent espagnol (renouvelables). Mais à Ibiza la grande majorité de l’électricité (87%) provient de la centrale thermique de l’île alimentée par des énergies fossiles (produite aux 2/3 avec du gaz naturel et 1/3 de diesel). Une preuve de plus que l’enfer peut être pavé de bonnes intentions.
Et je me permettrai d’y rajouter 2 derniers commandements très personnels :
11 – Des oursons si mignons tu te méfieras : vous l’aurez compris, il y a peu de chances pour que je sois prescripteur du ë-C3 Aircross. Au-delà de ça, la preuve est faite qu’à ce stade et dans ces conditions, le VE n’est sans doute pas fait pour moi, et je ne suis sans doute pas fait pour lui. Ayant une possibilité de recharge domestique, pourquoi pas en ville (pas testé), mais pas au-delà. Et ça ferait beaucoup d’investissement pour bien peu de polyvalence.
12 – L’été prochain ta XJ8 tu prendras : s’il n’y avait qu’une leçon à retenir, ce serait celle-là : ne soyons pas rancunier, rien de mieux que des vacances avec un onctueux, coupleux et mélodieux V8 thermique !
Truculent ! Le sourire aux lèvres durant toute la lecture, on en vient à se dire que votre mésaventure vaut largement le coup d’avoir été vécu par la famille rien que pour avoir le plaisir de la lire !
Merci, merci… et encore merci !!!
Excellent retour d’expérience sur le VE, j’adore le style d’écriture qui change de la presse traditionnelle. Habitant sur le Toulousain, je vois exactement le style de galère que ça a été !
L’Audi A8 reste une très bonne routière, il faudra lui redonner sa chance 😉
Et quoi qu’en disent certains, nous n’avons pas tous les mêmes besoins en terme de mobilité, laissons la liberté aux gens de choisir leur véhicule.
Merci pour ce post !
Merci beaucoup pour votre commentaire. Je partage votre position !
J’ai lu le récit de votre expérience (épopée) et ce niveau de détail est précieux. Malheureusement vous vous êtes retrouvé avec un outil vraiment inadapté pour le job a faire (a cause de la fiabilité de votre Audi et de votre loueur !). Un peu comme si vous deviez planter un clou avec une tenaille – pas impossible mais pas vraiment adapté. Une Corolla Touring Sports hybride, vous auriez eu la pour le coup l’outil adapté). J’apprécie vraiment l’honnêteté de la réflexion sur l’ensemble de l’expérience ! Le véhicule électrique n’est pas encore l’outil adapté a tous les jobs de transports, et a tous les client(e)s. Mais pour certains ils sera un meilleur produit – tout est une affaire de gout,de conviction, de besoin « job to be done ». C’est ma vision personelle et je continuerai a observer avec attention ces développements.