UNE AUTO, UN MORCEAU : SKODA COUPÉ 130 R & SIGUE SIGUE SPUTNIK

Bouquet final pour le dernier billet de la mini-série « Une auto, un morceau » de cet été 2025 !
Un univers volontairement extravagant réunissant Skoda 130 R et Sigue Sigue Sputnik, bien déjantés chacun… (image générée par IA)
J’ai donc choisi de faire de ce dernier billet d’« Une auto, un morceau » de l’été 2025 un moment un peu différent, plus extravagant… et j’ai été guidé par la musique. Quoi de plus déjanté dans les années 80 que les Sigue Sigue Sputnik et le morceau baroque que je vous propose ? Et pour aller avec, quoi de plus décalé comme proposition automobile que cette grenouille tout à l’arrière qui se rêvait bœuf « Rapid » ?
Bon, forcément, choisir la Skoda 130 R comme sujet, c’est s’exposer à une grande pauvreté documentaire, à laquelle je n’échappe pas. Sur le web, la littérature sur le sujet n’abonde pas ; même pas un article sur Wikipedia… J’ai cru trouver une bouée de sauvetage grâce à ma bibliothèque et la bible Voitures des pays de l’Est de Bernard Vermeylen mais là encore la matière n’est pas si fournie, bien que l’ouvrage tende vers l’exhaustivité. Qu’importe, le but est plus de rigoler un peu que de vous fournir un contenu encyclopédique pour briller dans les dîners en ville. Et, comme aurait dit Michel Audiard, « C’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule ! »
Pour faire court sur la genèse de l’auto, tout a commencé en 1964 avec une nouvelle berline en tout à l’arrière, ce qui pour l’époque n’avait rien d’incongru si l’on pense que la Simca 1000 et la Renault 8, de conception similaire, avaient été lancées respectivement 3 ans et 2 ans avant. Contrariée par le dirigisme économique de la Tchécoslovaquie, l’évolution de l’espèce se fit ensuite par petites touches et surtout sans modifier l’essentiel, le choix d’implantation mécanique figé pour longtemps et plus encore. C’est en 1969 (pour un début de production en 1971) qu’apparaît le premier Coupé dénommé 110 R, qui peut légitimement être considéré comme l’ancêtre du 130 R, avec un air de filiation esthétique très net.
Le 110 R sera produit jusqu’en 1980, histoire de faire la quasi jonction avec le 120 R présenté en 1981 et entrant en production dans la foulée. A partir de 1985, le 120 R devient 130 R (« Rapid » sur certains marchés) au gré d’une évolution moteur et du gain d’une cinquième vitesse (!), mais on est bien toujours sur des choix techniques qui, pour pertinents qu’ils aient pu paraître en 1964, sont devenus obsolètes depuis longtemps, avec une disposition qui ne survit plus par ailleurs que sur les… Porsche 911, Alpine GTA et Coccinelle encore produite pour des marchés extra-européens. Autant les deux premières sont destinées à des conducteurs avertis qui les achètent en connaissance de cause, autant la Skoda se destine à des utilisateurs bien moins initiés dont, assurément, certains ont du se faire quelques belles frayeurs et figures notamment sur le mouillé, heureusement aux allures forcément modérées permises par la soixantaine de chevaux du bouilleur.
La 130 R, qui sera la version du Coupé majoritairement vendue sur le marché français, deviendra dans les derniers mois 135 R et 136 R avec quelques évolutions mineures mais le temps fait ses ravages inexorables et les Skoda à moteur arrière s’éteindront en 1990 (tout de même !), poussées à la retraite par une nouvelle venue… tout à l’avant. Pour l’anecdote, une petite série de coupés se verra transformée en cabriolet, principalement en Angleterre.

J’ai très peu de brochures de l’époque « communiste » de Skoda, la Marque étant importée assez confidentiellement en France pendant ces années. Il faudra vous contenter principalement de ce catalogue gamme de 1986 au luxe quasi capitaliste… (collection personnelle)

… qui présente notamment la 130 R… (collection personnelle)

… et son schéma dimensionnel qui a l’intérêt de montrer le mécanisme original d’ouverture du coffre AV. (collection personnelle)

Feuillet publicitaire anglais 1988. (collection personnelle)
Les essais Presse ne sont pas plus nombreux. Il faut croire que les journalistes ne se battaient pas pour prendre le volant de la chose ; les rares traces doivent être attribuables à des paris de fins de repas trop arrosés ou à des bizutages de nouveaux arrivants.

Contact dans l’Auomobile Magazine n°472 d’octobre 1985, qui a -lui aussi- le mérite d’illustrer le mécanisme original d’ouverture
de coffre AV. Prévoir la hauteur sous plafond nécessaire, presque plus que pour un Tesla Model X ! (collection personnelle)
L’Auto-Journal daté du 15 Mai 1985 organise quant à lui un grand comparatif entre 5 voitures de l’Est, dont la Skoda, opposée aux Lada, FSO et Yugo qui partagent avec elle ce micro-créneau de marché. On sent bien que la motivation première du match a été de faire un maximum des étapes gastronomiques que pouvait compter le Morvan, histoire de faire passer la pilule de ces automobiles hors d’âge. Ils sont tombés sur un exemplaire particulièrement asthmatique de 130 R puisque mesuré à seulement 144 km/h en pointe et 38’7″ au 1000 m départ arrêté ! Soit très sensiblement pire que les chiffres de l’Automobile Magazine. Dans les deux journaux, la voiture se fera railler -à juste titre- pour son appellation « Rapid » tellement éloignée de la réalité… En revanche, son comportement routier plutôt joueur voire dynamique lui attirera, surprenamment, des compliments, alors que son confort est honnête, allant jusqu’à susciter ce jeu de mots imparable de la part de l’Auto-Journal : « Le coupé Skoda ne martyrise pas les vertèbres du conducteur. Ce n’est pas un tchèque en bois. » 40 ans après, on en rit encore dans les datchas !
Peu chère en neuf, rustique techniquement, la 130 R s’est retrouvée en occasion pour une bouchée de pain, devenant un sujet d’expérimentation idéal pour les amateurs de tuning, du mauvais goût au plus mauvais goût.

Déjanté, vous avez dit déjanté ? Vous ne rêvez pas, c’est bien un Coupé 130 R à la base de cette « évocation » de Testarossa ou de
Porsche 935, c’est selon ! Par honnêteté intellectuelle (?), les logos Skoda ont quand même été conservés… (source : thejackytouch.com)
A l’opposé, certains propriétaires bichonnent religieusement leur auto dans le respect de l’état d’origine. A noter que Skoda a le courage d’assumer son passé, même quand il paraît aussi archaïque, puisque cette vidéo de présentation est issue du canal officiel Skoda Heritage.
J’espère que vous comprenez le tchèque ! Pas indispensable, au demeurant, pour se replonger, aussi brièvement soit-il,
dans cette ambiance de plastiques rustiques des pays de l’Est des années 80… Il ne manque que l’odeur caractéristique !
(source : youtube.com/ )
Alors, pourquoi est-ce que je trouve cette voiture « déjantée » ? Déjà, il fallait avoir une certaine inconscience pour oser proposer encore dans les années 80 la technique du tout à l’arrière pour un généraliste, remisée aux oubliettes depuis belle lurette puisque l’avant-dernière représentante de l’espèce, la Simca 1000, s’était éteinte en 1978. Mais en plus d’être tellement à contre-courant, en dériver un « flagship » sous la forme d’un Coupé, auto évocatrice et censément technologique par excellence, et le baptiser « Rapid » confinait au génie du décalage. Pour le challenger, je ne voyais guère que le groupe new wave Sigue Sigue Sputnik qui, au-delà de la -lointaine- référence communiste dans le nom, affichait un futurisme cyber-punk et déjà kitsch, un peu comme la Skoda. « 21st century boy », un de leurs titres emblématiques sorti en 1986 -on est donc raccord sur les dates-, est un assemblage curieux et baroque de boîtes à rythmes, samples de musiques classiques (dans la version longue), et d’une multitude d’effets sonores, 2 ans avant la sortie des premiers morceaux de house music. Un OVNI (pour rester dans le domaine spatial) musical qui m’avait marqué à sa sortie, un morceau complètement oublié à redécouvrir, comme la 130 R qui est devenue à peu près totalement absente sur nos routes.
Le clip officiel qui nous immerge dans l’univers bien déjanté de Sigue Sigue Sputnik, d’inspiration « Bladerunner ». Et comme vous commencez peut-être à savoir que je suis friand de versions longues, ça se passe par ici. (source : youtube.com/ )
Merci Philippe de nous faire revivre des souvenirs de jeunesse! Un autre morceau de Sigue Sigue Sputnik, Love missile F1-11, encore plus totalement et génialement déjanté que j’associerai toujours à cette scène et monologue d’anthologie au début du film La folle journée de Ferris Bueller. Dans l’esprit de ce film tu aurais pu aussi associer cette musique à la fabuleuse Ferrari California du père de l’ami de Ferris.
https://youtu.be/0KFVLWX7eEY?si=kiUPqD2WSo1MdHkQ
Merci Fabrice ! A vrai dire, quand j’ai eu l’idée de ce billet, je ne pensais pas que qui que ce soit connaîtrait ce morceau… et encore moins toi !
En le préparant, je suis tombé en effet sur Love missile F1-11 qui est assez proche mais qui n’était pas le morceau dont je me souvenais.
Merci pour la réf cinématographique que je ne connaissais pas !