UNE AUTO, UN MORCEAU : RENAULT 25 & VAN HALEN

Les Van Halen ont-ils déjà croisé la R25 dans la vraie vie ?
J’en doute… mais j’imagine qu’ils auraient été surpris, comme tous, à sa présentation ! (image générée par IA)
Une nouvelle série, « Une auto, un morceau », en phase avec la légèreté de cette période estivale, afin de croiser deux de mes passions, l’automobile et la musique. Une association totalement subjective (que je tenterai d’objectiver même -et surtout- avec mauvaise foi) entre un modèle des années 70 à 90 et un titre plus ou moins des mêmes années même si je ne m’interdis pas les anachronismes. L’occasion de vous faire (re)découvrir, parfois, des morceaux oubliés. L’occasion aussi de plonger dans ma riche collection de catalogues publicitaires et de revues automobiles, pour vous remonter quelques « bonnes bouteilles » de ma « cave ». Et pour l’inauguration, la Renault 25 me semblait incontournable.
Avec les 20 et 30, Renault avait déjà joué la partition du haut de gamme bicéphale et ça avait plutôt correctement marché dans les années 70. À la 20 la gamme étendue, on dirait « mainstream » dans la novlangue Marketing d’aujourd’hui, qui motorisait dans le confort et la praticité un éventail très large d’utilisateurs y compris des ménages populaires (j’en connus) ; à la 30 le « premium » grâce au prestige du V6 et d’un des premiers turbo diesel, pour finalement rester surtout comme un symbole des cours gravillonnées du Pouvoir, théâtres extérieurs médiatisés des premières années du mitterrandisme.
Pour autant, ces autos commençaient sérieusement à accuser le poids des ans, techniquement et stylistiquement, quand fut présentée leur remplaçante fin 1983 : la R25. Cette dénomination unique, moyenne avisée entre les deux précédentes, recouvrait bien à nouveau une conception de gamme qui faisait le grand écart, des TS/GTS d’accès aux élitistes V6 et Turbo DX reconnaissables immédiatement pour les yeux connaisseurs par quelques détails stratégiques comme les double optiques. Comme pour le duo 20/30, Renault avait habilement su différencier par touches subtiles sa montée en gamme. Peut-être aussi que, n’étant pas saturés par la profusion actuelle de l’offre, nous étions plus sensibles à ces détails…

Début 1984, la toute première édition publicitaire de la nouvelle venue avec un 4 pages… (collection personnelle)

… comportant un badge non conforme (« V » et « 6 » désalignés) ce qui, à l’époque, ne posait visiblement de problème à personne. (collection personnelle)
L’apparition de la R25 fut, pour moi, mais pas seulement je pense, un coup de tonnerre dans le PAF (Paysage Automobile Français), dont il est difficile de se souvenir à sa juste mesure. Par sa modernité, elle donna immédiatement un sacré coup de vieux à toute la concurrence, à commencer par les CX et 505 (sans parler de la 604 qui avait passé sa carrière à agoniser). Il faudra attendre quelques mois et le projet Tipo 4 qui donnera naissance aux Lancia Thema, Fiat Croma, Saab 9000 et Alfa 164 pour retrouver un peu de répondant dans ce segment, mais il était clair que la R25 avait frappé un grand coup pour plusieurs années.

Les deux premiers catalogues de lancement avec le 8 pages et le 24 pages, qui comportent eux aussi un badge « V6 » certes non conforme, mais que je préfère au définitif. (collection personnelle)
Cette présentation m’avait frappé, d’autant plus qu’elle coïncida avec le premier épanouissement de ma passion automobile. Après avoir déjà passé quelques années à écumer les garages, quitte à faire le mur du collège, pour entamer ma collection de catalogues, et à avoir commencé à noircir des feuilles de croquis « de style » maladroits mais volontaires, j’ancrai cet intérêt par l’achat de mes premières revues, Auto-Journal et Automobile Magazine (puis Sport-Auto), très vite pérennisé par des transformations en abonnements. La première, qui accompagne ma transhumance ferroviaire des vacances de Noël 1983, en Charente n’est autre que… l’Automobile Magazine de décembre 1983 avec la R25 en vedette. Un souvenir qui marque forcément.

Le fondateur (pour moi) Automobile Magazine de décembre 1983, et le premier essai dans l’Auto-Journal au printemps suivant,
à une époque où ça se voyait qu’on testait vraiment les autos ! (collection personnelle)
C’est pourquoi il me semblait si évident de commencer cette rubrique par elle. Et musicalement, ça a aussi plutôt coulé de source. Quoique… spontanément, la R25 m’évoque le « Money for nothing » de Dire Straits. Pourquoi ? Parce que titre emblématique du laser Disc, et la R25 avec sa superbe mini-chaîne hifi futuriste -avec équaliseur s’il vous plaît-, colle bien à cette époque. Sauf que… elle n’a jamais, même en fin de vie, accueilli d’équipement capable de lire un CD. Retour à la case départ, et là le « Jump » de Van Halen s’impose comme une évidence. C’est un des morceaux phare qui tourne en boucle fin 1983 et dans ma mémoire il est intimement lié à la présentation de la R25. L’omniprésence de synthés, couronnée par la montée en puissance jouissive de la troisème partie du morceau, colle bien aussi avec la modernité de la voiture, à commencer par sa parfois fantasque synthèse de la parole.
Autres temps, autres mœurs… enfin si, pour être honnête, un enfant qui fume ça avait quand même fait polémique en 1984,
au point qu’un sticker avait été développé pour camoufler en « retrofit » la chose sur les pochettes ! (source : van-halen.com)
La concurrence essaiera bien de montrer les dents mais ce sera peine perdue devant la modernité de la nouvelle venue.

Citroën sort les grandes rames dans son argumentaire concurrence… (collection personnelle)

… allez, sur les repose-tête AR faméliques, ils n’avaient pas complètement tort ! collection personnelle)

Du coup, on appelle à la rescousse un caviardage géant pour tenter de prouver qu’elle est plus surfaite que parfaite !
(collection personnelle)
Quelques années après, Peugeot aura tout autant de mal à donner l’avantage à sa 505, malgré Jean-Louis Trintignant…
(source : citrovideo.com)
Tout au long de sa vie, Renault essaiera de faire monter sa 25 en gamme le plus possible, dans une sorte de quête du graal allemand… Ça commence dès 1984 et une association ponctuelle avec Relais et Châteaux proposant une série d’établissements délicieusement surannés. (à feuilleter en cliquant sur les flèches à gauche en bordure de cadre pour faire défiler)
Une brochure avec une couverture gaufrée (à laquelle le scan ne rend pas justice).
Aucune trace sur internet, j’en déduis que j’ai sans doute un des seuls exemplaires survivants ! (collection personnelle)
Puis 1985 : sortie de la V6 Turbo, objectif Allemagne affiché quelques années avant la 21 Turbo…

Le 8 pages de lancement de la V6 Turbo (avec badge conforme cette fois-ci), en version allemande tant qu’à faire. (collection personnelle)
… et de la Limousine, très mitterrandienne elle aussi…

Extrait du catalogue 1986 avec des pages dédiées à la Limousine.
Il existe un catalogue spécifique Limousine édité en 1985 mais je ne l’ai hélas pas. (collection personnelle)
La R25 sera la dernière Française à connaître une vraie réussite commerciale dans le haut de gammme, même si sa carrière sera entachée par une qualité erratique. Mais je vous reparlerai de ce dernier point une autre fois !