OPEL CORSA C : « POUR LES GENS QUI ONT DE LA PERSONNALITÉ ! »

« Ça, c’est une couleur pour quelqu’un qui a de la personnalité ! »
Pas faux… parce qu’en effet il faut l’assumer ! (source : opel.com)

La Corsa C est un bon exemple, à l’instar de la Twingo, de la difficulté à remplacer un best-seller. Pas facile en effet de succéder aux Corsa A et B au design très réussi, et au succès commercial marqué, favorisé en France dans les années 90 par les aides gouvernementales. En plus, l’inspiration n’était pas vraiment au rendez-vous…

Ma première rencontre avec la Corsa C eut lieu en Allemagne en 1999, à l’occasion de ma toute première visite sous confidentialité dans un studio de design automobile. Alors que les maquettes de Vectra C que nous étions venus voir témoignaient d’un gel effectif du style, nous n’avons vu que des maquettes de Corsa en clay et en cours de travail, même si le dessin définitif était déjà là, notamment les fameux feux AR déportés en hauteur à la manière de la Focus.

L’auto, présentée mi 2000, fût la star de la Convention Réseau de fin août à laquelle je n’assistai pas pour cause de congés estivaux. Cette Convention, organisée dans le Palais des Festivals de Cannes, fût aussi l’occasion d’introniser Gérard Saint-Martin comme nouveau Président de General Motors France, en remplacement d’Alexander Perk qui avait joui tout au long de son mandat d’un certain « gentlemen’s agreement » avec l’ensemble des parties prenantes. Froid, cassant, cynique, dénué d’empathie, son remplaçant inaugura un tout autre style et se singularisa par un double exploit : se faire unanimement et quasi instantanément détester par son Réseau et le personnel du Siège, et en payer le prix fort en se faisant démettre de ses fonctions en un temps « Rekord », en un peu moins de 2 ans. Pas les meilleures conditions pour un lancement majeur comme celui de la nouvelle Corsa, donc.

Un profil familier… mais en plus moderne. Admirez l’intégration de la minuscule canule d’échappement… (source : opel.com)

Ma deuxième rencontre avec la Corsa C ne tarda pas puisque, en tant que « District Manager » (Chef de Secteur) à l’époque, je dus, comme mes collègues du « Field », me porter volontaire pour faire signer un maximum d’ « options d’achat » sur le stand du Mondial de Paris à l’automne, lieu et date de son lancement public. L’optimisme officiel du « vous allez voir ce que vous allez voir » avec cette nouveauté allait très vite être douché par la réalité. L’auto n’intéressait que peu et ne semblait pas plus attendue que ça par les visiteurs. Il faut dire qu’en face il y avait du lourd, à commencer par les 206 et Clio II dans la force de l’âge et de leur cycle de vie. De plus, tellement confiant dans la force de séduction de son Produit, le Siège n’avait pas jugé bon de la doter de conditions commerciales « spécial Salon » alors que les prix avaient nettement augmenté par rapport à la Corsa B. Au bout de quelques jours d’encéphalogramme plat, il fût décidé un coup de pouce en catastrophe : 2 ans d’extension de garantie offerts. Cela ne changea rien au fiasco. Le Réseau fût, dans la foulée, confronté aux mêmes problèmes, et se plaignit très vite de l’absence de mesures de soutien commercial. Conséquence, les stocks centraux s’engorgèrent rapidement et il fallut intégrer un nombre conséquent de ces autos dans l’opération de déstockage qui eût lieu quelques semaines plus tard, et à laquelle j’eus le plaisir incommensurable de participer. Devoir déstocker des autos soi-disant bestsellers moins de trois mois après leur arrivée sur le marché, c’était inédit pour la Marque et acta définitivement le ratage du lancement.

De manière générale, elle était trop fade comparée à la concurrence qui ne l’avait pas attendue pour progresser. Stylistiquement, elle fait partie de ces autos dont on dirait qu’elles ont été dessinées par deux équipes différentes : une pour l’AV qui n’amenait franchement rien, et une autre pour l’arrière dont la modernité devenait du coup incongrue et gratuite. Opel commençait aussi à payer ses énormes soucis de qualité en après-vente, héritage de la période Ignacio López aux Achats.

Les feux AR en hauteur, inaugurés par la Ford Focus, étaient l’élément stylistique le plus marquant et, à vrai dire, la seule
originalité de la voiture. On notera la muraille d’appui-tête AR fixes, handicapant la rétrovision. (source : opel.com)
 

Quelques mois plus tard, c’est moi qui parvenais à me déstocker de ce navire en perdition, pour rejoindre le Marketing de Citroën France. Après avoir roulé pendant 5 ans en voitures de location longue durée ou en voitures de service, il me fallut acheter un véhicule. Au vu du besoin et du budget, le choix fût vite fait de profiter d’une Corsa d’occasion ex-Opel France à prix collaborateur. J’avais comme d’habitude envie de me faire plaisir : certes la Corsa n’était sans doute pas le meilleur choix à ce niveau, mais j’essayai de minimiser la chose en optant pour le moteur essence le plus puissant disponible en VO à ce moment, le 1.4 16V 90 ch en finition Sport (3 portes, donc). Et là, le choix devint très restreint, entre un exemplaire Bleu Arruba (« bleu EDF ») et un autre dans la couleur de lancement Rouge City, un genre de rose foncé métal. Entre la peste et le choléra niveau couleur, à âge, kilométrage et prix équivalents, ma décision se porta sur la mieux équipée des deux, celle qui avait la peinture métal donc, soit une configuration identique à 90% (sans toit ouvrant, avec badge) à celle des photos officielles qui illustrent cet article.

3 mois, 46 km, 66 700 FF contre 88 000 FF en neuf options incluses, soit 24% de remise… correct sans être exceptionnel pour une voiture
déjà immatriculée. Opel France ne bradait décidément pas la Corsa ! Il y avait des affaires plus intéressantes sur d’autres modèles.
(collection personnelle)

J’ai gardé cette auto 8 mois, le temps d’acquérir l’ancienneté nécessaire pour pouvoir acheter une voiture PSA à prix collaborateur, et aussi et avant tout… de la revendre ! C’est là que la tâche se compliqua, notamment et sans doute à cause de la couleur. Il faut d’abord se rappeler qu’en 2002, le media majeur pour vendre un VO était encore la presse écrite, soit locale soit nationale. J’ai publié pendant plusieurs mois des annonces dans des supports couvrant l’Ile de France. Rien, pas un seul appel, à croire que les gens n’en voulaient pas plus en occasion qu’en neuf ! En désespoir (au sens propre) de cause, je tentai ma chance dans un support du Nord Pas de Calais, car la Marque surperformait dans cette Région. Et là, miracle : un appel, de quelqu’un de la région de Béthune. Pas 10 appels, pas 5, non : un seul ! Autant dire qu’avec ma future épouse, nous avons attendu sa visite de pied ferme : il était hors de question qu’il reparte sans avoir signé l’auto ! Nous voyons arriver quelqu’un d’un peu plus jeune que moi, manifestement intéressé mais peu expansif, comme un peu timide. Et ma complice de s’enfoncer dans la brèche avec spontanéité au bout d’un moment, assénant cet argument qui tue et qui nous amusera rétrospectivement pendant longtemps, jusqu’à inspirer le titre contre-intuitif de ce billet : « Ça, c’est une couleur pour quelqu’un qui a de la personnalité ! », ou comment transformer un handicap en USP… En plein dans le mille : il acheta l’engin. Mieux encore : je suis arrivé à générer une marge confortable (l’équivalent de 700 € de 2024) sur la bête, tandis que mon acheteur a fait une affaire tout à fait correcte (-20% sur le neuf pour 1 an et 9 000 km). C’était inespéré, même si elle m’en fit voir jusqu’au bout : le matin même de la livraison, l’écrou antivol mâle cassa au retrait (en même temps, il avait vu un paquet de jantes en 4 ans…) Obligé de passer en atelier en urgence (un samedi…) pour arriver à l’extraire, et ce ne fut pas sans mal !

Trop heureux d’avoir enfin ferré le poisson, alors pas question de le laisser repartir sans qu’il verse un acompte ! L’acheteur étant originaire de la région de Béthune, le dossier sera vite affublé en privé du surnom familier « la thune de Béthune ! »… (source : collection personnelle)

Je ne garderai pas un souvenir inoubliable de cette auto. En dehors du fait qu’elle reste associée à un home-jacking -les cambrioleurs étant venus à quelques centimètres de ma tête pendant mon sommeil, mais sans finalement repartir avec la Corsa, bien qu’ayant pris les clés-, c’était un produit sans grande saveur, sérieux, avec un moteur terne, peu confortable car très ferme et pas très bien insonorisé, et au final peu attachant. Un « déplaçoir » plus qu’un coup de cœur.

Ne vous fiez pas aux panneaux… les prestations dynamiques de l’auto n’avaient rien de sportif, en dépit du nom ! (source : opel.com)

Ma dernière rencontre avec la Corsa C eut lieu 6 ans plus tard, à l’occasion de la location d’un exemplaire pas très frais pendant notre road trip aux Açores. L’auto, qui devait très certainement nourrir une quelconque rancune envers moi pour tout le mal que j’avais déjà dit de ses semblables, trouva le moyen de tomber subitement en panne immobilisante à l’autre bout de l’île de São Miguel, nous faisant perdre un bon bout de temps avant qu’on nous convoie un véhicule de remplacement. Quand ça veut pas…

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