CORÉENNES : ELLES REVIENNENT DE LOIN !

La Kia Stinger, élue, dans sa version essence, pour faire partie de mon garage virtuel : la reconnaissance ultime ! (source : netcarshow.com)
Les voitures coréennes, d’abord moquées, puis craintes, et enfin reconnues et respectées, sont un bon exemple de pénétration d’un marché qui fonctionne à condition de s’en donner les moyens. Je vous résume en un article mes souvenirs d’une concurrence naissante, exotique et amusante à la charnière des années 90 et 2000, jusqu’à son épanouissement dans les années 2010 !
De grandes nations automobiles se sont cassé les dents sur le marché européen, réputé pour être le plus difficile au monde, à commencer par les Américains (je parle bien là des transplants GM US, Ford US et Chrysler US). A contrario, les Japonais ont montré que cela n’avait rien d’impossible quand on s’en donne les moyens et la patience, et aujourd’hui les Chinois se font menaçants, certes avec peut-être un peu moins de moyens et de patience, mais à la faveur de la brèche technologique de l’électrique.
Quant aux coréens, ils ont d’abord été connus par la marque historique Hyundai, dont l’Histoire retiendra que la première approche en Europe se fit par le biais de la Pony (dessinée par Giugiaro s’il vous plait) en 1978 sur les marchés belges et néerlandais, traditionnellement plus ouverts, comme la Suisse, aux expérimentations exotiques puisque n’ayant pas de constructeurs automobiles nationaux à défendre.
En ce qui me concerne, et comme beaucoup de « car guys » je pense, mes premiers souvenirs de présence coréenne en France remontent au milieu des années 90 avec Daewoo. Une marque satellite du chaebol du même nom, qui à cette époque faisait de l’opportunisme une stratégie Produit, en ressuscitant l’antique Opel Kadett à peine remaquillée sous l’appellation Nexia, ou en recyclant un projet refusé de Xantia en Espero, puis un peu après un projet refusé lui aussi de Fiat nuova 500 en Matiz et son vibrant mixeur 3 cylindres.

Les fers de lance de la première offensive chez nous du Pays du matin calme : les Daewoo Nexia et Espero,
deux resucées de l’automobile européenne. Et dire que l’on a critiqué les copies chinoises… (collection personnelle)
Une marque qui compensait en 1996 une offre Produit techniquement dépassée par une politique tarifaire agressive et une présence Marketing remuante orchestrée de main de maître par le pétillant Christophe M. Résultat indirect : leur stand au Mondial 1996 fut pris d’assaut par les jeunes diplômés nantis de leur CV dont je faisais alors partie, un nouveau place to be de l’emploi automobile qui s’avérera d’ailleurs bien vite éphémère !
Un autre fait d’armes (rocambolesque et bien involontaire) de Daewoo restera la commercialisation « sauvage » et en direct en 1999 de 308 placides Nubira qui n’en demandaient pas tant, dans des magasins Géant Casino et avec une remise de 27,5% sur le prix public. A une époque où la distribution automobile dite « sélective » était encore réglementairement et solidement verrouillée, l’affaire fit l’effet d’une bombe dans le microcosme. Dans la pratique, ces autos vendues à grossiste par Daewoo France étaient censées être destinées aux pays de l’Est mais la bonne foi s’était arrêtée là et les autos aussi. L’Histoire ne dit simplement pas si toutes ont trouvé preneur suite à l’opération française, je me souviens juste d’un retour mitigé à l’époque, l’achat d’une auto en supermarché étant un frein considérable. Il faut dire aussi que le produit, bien que très attractif en prix, n’avait rien de folichon ni de bien adapté au marché français (déjà peu friand -euphémisme- de M1 tricorps), et que l’application future de la garantie faisait suffisamment débat pour refroidir les acheteurs.

Elle n’a (vraiment !) l’air de rien, comme ça, mais c’est celle par laquelle le « scandale » de la première distribution parallèle
à une certaine échelle arriva en 1999… (collection personnelle)
Le dernier souvenir de cette Marque sera l’opération conséquente et impactante de rebranding de Daewoo en Chevrolet en 2005, paroxysme du n’importe quoi dans la gestion de portefeuille de GM, auquel personne n’a rien compris. Les seules certitudes seront les dépenses stériles occasionnées par la transition, et, 10 ans plus tard, la disparition précipitée et définitive de la Marque provoquée par la Maison mère elle-même.

Alors, on essaie de résumer… une marque coréenne, donc, qui prend sans aucun storytelling, dans la nuit du nouvel an 2005, le blason d’une marque américaine bien plus ancienne et qui n’a rien à voir… « Yes, man, les customers vont y croire ! » (source : caradisiac.com)
Mon deuxième souvenir personnel des coréennes remonte aux années 1997 à 1999, alors que je suis assistant Chef de Produit chez Opel France, et également en charge des relations avec la concurrence. Les Constructeurs et Importateurs avaient des véhicules, en général les derniers sortis, dédiés pour des échanges afin de pouvoir se tenir au courant des nouveautés de manière dynamique. Hyundai France, bien qu’anecdotique sur le marché à cette époque, participe aux réjouissances ce qui nous vaut quelques essais mémorables dont Franck Pichot, Chef de Produit Hyundai à l’époque, doit encaisser tant bien que mal les comptes-rendus bien que charitablement édulcorés.
Tout commence avec le Coupé premier du nom avant face-lift (qui l’améliorera sensiblement). Thierry G., le Brand Manager Tigra (concurrente directe) le prend un soir et nous en fait un compte-rendu au vitriol le lendemain matin, dans lequel il est question, pêle-mêle, de morue, de carrelage… Bref, selon ses dires, « il n’a jamais eu aussi honte de sa vie de conduire une caisse ! »

La honte jamais très loin là encore lorsque, peu après, je profitai d’une une Atos, la première du nom, pour inviter ma future épouse que je ne fréquentais alors que depuis peu, à une virée sur Paname. Une auto au look si singulier que plusieurs personnes de notre entourage nous ont dit par la suite que c’était une prise de risque qui aurait pu mettre un terme prématuré mais définitif, et justifié, à notre relation naissante !

L’Atos, plus haute que large, pratique mais… spéciale niveau look, surnommée « la voiture de Mickey » par mon entourage !
Un bon test de solidité d’une future relation matrimoniale… (source : hyundai.com)
Mon dernier souvenir mémorable de cette période fut une « licorne », une Hyundai XG prêtée en 1998. Le hasard (rare) fait que nous avons en même temps une deuxième voiture de concurrence, une magnifique Alfa 156 2.0 Twin Spark, un kart avec un moteur sympa qui suscite une envie unanime. Arrive donc le week-end et étonnamment (concernant l’Alfa) les 2 voitures sont disponibles. N’écoutant que mon professionnalisme, je décide de prendre une dose d’italienne le vendredi et de switcher pour les rugissants 163 Pony du V6 2.5 de la coréenne le samedi (à laquelle personne n’avait touché avant, on se demande bien pourquoi). Las, bien qu’avec seulement 3 chiffres au compteur, elle ne voulut rien savoir et refusa obstinément de démarrer, le mal étant bien plus profond qu’une simple batterie défaillante. C’est sur un plateau qu’elle quittera, penaude, nos locaux le lundi suivant. Quant à moi, samedi soir, je dus noyer ma frustration dans le prosecco des chevaux de feu, une nouvelle fois. Dur métier…

La Hyundai XG gagnait-elle à être connue ? Hélas, je n’aurai jamais cette révélation. En même temps, ça ne m’a pas empêché de vivre. (source : hyundai.com)
Quelques pastilles sensorielles coréennes subsistent aussi de ces années-là.
Une odeur entêtante. Un ballet olfactif de colles et solvants émanant de tous les plastiques, caoutchoucs et cuirs ( ? ) garnissant l’habitacle, un parfum chimique caractéristique que je retrouverai quelques années après dans les voitures chinoises.
Un son omniprésent. Les vocalises de Jean-Claude Debard, Président de Hyundai France aux accents de Bernard Tapie, qui prend un vrai plaisir à investir régulièrement les ondes radio pour faire son auto-promotion et celle de sa marque.
Des images, aussi. Celles du cauchemar que nous infligera le design Ssangyong à partir de 2005 avec son triptyque Kyron / Actyon / et surtout Rodius, digne héritier de la Scorpio pour effrayer les enfants, surnommé « Odious Rodius » par certains journalistes anglo-saxons.

Frankenstein Rodius : l’ornithorynque de l’automobile, dont une version de l’Histoire dit que son design fut inspiré par celui d’un yacht…
Les proportions, peut-être ? En tout cas, il est unanimement considéré comme l’une des plus moches de l’Histoire avec le Pontiac Aztek…
(source : ssangyong.com)

Actyon, Kyron : pas un pour rattraper l’autre, ni le troisième bien sûr !…
Actyon qui rime avec filiation – avec le Pontiac Aztek. Il était pourtant facile de trouver mieux comme inspira-tyon ! (source : ssangyong.com)
Mais c’est aussi à cette époque que les choses commencent à bouger et les mentalités à évoluer. Hyundai a des vues sur l’Europe. Ils débauchent Peter Schreyer, ancien designer Audi, en 2006, avant qu’une usine ouvre en République Tchèque en 2008. Cette même année, pour notre road trip en Ecosse, je récupère une Kia cee’d en voiture de location. Kia, une marque récemment entrée sur le marché français (2004). La cee’d, une auto ni fun, ni glamour… mais moderne, pas trop mal finie, et qui fait très bien le job. Mon premier souvenir positif de coréenne avec cette réflexion spontanée : « là, ils ont fait un vrai pas en avant ! »

Kia cee’d : malgré le nom, un déplaçoir basique mais qui faisait honorablement son job. (source : kia.com)
Paris, Mondial 2010. Je tombe en arrêt, et je ne suis pas le seul, devant une surprise presque discrète sur le stand Kia. Une grande berline moderne plutôt racée, avec quelques touches subtiles d’inspiration Jaguar ou encore Saab. Le charme continue à opérer à l’intérieur, pas tant pour le design assez convenu et asiatisant, que pour les matériaux et les assemblages. L’Optima connaîtra, sans surprise, des ventes confidentielles, mais un jalon supplémentaire est franchi dans mon estime.
Kia Optima, le premier pas vers une grande berline de caractère. Un clip promo beaucoup plus intéressant pour sa bande son (auteur ?)
que pour ses images 3D studio maladroitement animées. (source : kia.co.kr)
2017 : la baffe. La Stinger. Supervisée par Peter Schreyer pour le style, et par un ancien de BMW pour les prestations dynamiques, elle ne fait pas mystère de ses ambitions de « BMW killer » (ou de « Giulia killer »). Berline, basse, élancée, racée, équipée d’un gros v6 essence de 370 ch, j’adore tout de suite. Ca y est, une coréenne est rentrée dans mon garage virtuel ! On revient de loin…
Qu’importe sa carrière en demi-teinte… on lui pardonne beaucoup grâce à son look ravageur ! Rare, future collectionnable ?
(source : kia.com)
Décembre 2024. Après plusieurs campagnes victorieuses en WRC qui en ont fait un adversaire respecté, Hyundai annonce, via sa griffe de luxe Genesis, son arrivée dans un des championnats les plus prestigieux et les plus disputés sur circuit : le WEC et son épreuve phare, les 24 Heures du Mans.
L’approche est tout de suite très structurée et professionnelle, avec l’intégration des meilleures compétences et une feuille de route construite et réaliste. Sur le papier, il n’y a pas de raison que ça ne marche pas, après, dans la vraie vie ça s’appelle la glorieuse incertitude du sport…
Non seulement ils reviennent de loin, mais il reste des pages à écrire… Ils n’ont pas fini de nous surprendre, ces Coréens !
Nouveau convive annoncé au banquet du WEC dès 2026, avec une approche très professionnelle et des ambitions en rapport.
La Corée du Sud s’attaque au sommet du sport automobile ! (source : genesis_worldwide)