UNE AUTO, UN MORCEAU : TOYOTA COROLLA COUPÉ GT & THE HUMAN LEAGUE

Première séance de drift nocturne pour The Human League avec la Corolla Coupé AE86.
Pas de panique, le cèdre veille sur « The Lebanon » !… (image générée par IA)
Si je vous dis Toyota Corolla, aucun d’entre vous ne peut ignorer cette appellation la plus produite au monde. Si je vous parle de Corolla Coupé GT, il est en revanche probable que la plupart d’entre vous passent leur tour. Voici la brève histoire d’une voiture à la carrière, notamment française, confidentielle, et qu’une seconde vie improbable fit passer tardivement au statut d’icône. Et en parallèle la redécouverte d’un morceau oublié d’un groupe pourtant connu !
Hiver 1984. Toyota lance en France sa cinquième génération de Corolla codée E80, qui inaugure la traction sur cette famille, et qui sera considérée comme la plus populaire de la lignée avec 3,3 millions d’unités produites. Une gamme pas facile à lire, comme souvent chez ce Constructeur, dans la mesure où sous un nom générique elle comporte plusieurs silhouettes qui ne partagent pas de communauté esthétique.
Été 1984. Toyota introduit en France la Corolla Coupé GT codée AE86. Non seulement elle ne comporte aucun élément esthétique commun avec le reste de la famille Corolla, mais, plus surprenant, c’est… une propulsion. Ce qui s’expliquerait par le fait qu’elle reprendrait la plate-forme de la génération précédente de Corolla codée E70 et elle-même propulsion. Vous suivez ?
Produite dans le monde entre 1983 et 1987, sa carrière française sera météorique : on en trouve trace sur un seul millésime (à cheval entre 1984 et 1985), et il semble qu’il s’en soit écoulé seulement 250 ou 265 exemplaires suivant les sources. Un oiseau rare, donc, même si depuis des imports étrangers sont venus augmenter le parc national.
Du coup, les sources documentaires sont quasi inexistantes. Les essais dans les magazines spécialisés sont rarissimes : un pseudo comparatif de l’Auto-Journal où on se demande s’ils ont essayé l’auto, et une prise de contact rapide dans l’Automobile Magazine. Et puis c’est tout, en tout cas pour ces deux magazines.

Double page d’ouverture du comparatif statique dans l’Auto-Journal du 1er Juin 1984. Au bilan, la Toyota marque des points
grâce à son moteur et ses performances, mais suspension et tenue de route sont en retrait. (collection personnelle)

Prise en mains dans l’Automobile Magazine de juillet 1984. (collection personnelle)
Rien dans Sport Auto. Pas non plus de publicité. Ni de film Produit (en tout cas qui soit passé à la postérité). A croire que l’importateur n’avait pas souhaité la mettre en avant, sachant de toutes façons que les volumes seraient hyper-limités (rentrant dans la règle du contingentement des voitures japonaises en vigueur à l’époque). Il faut dire aussi qu’une nouvelle version de la Corolla E80 devait arriver début 1985, avec une déclinaison vitaminée et surtout traction, correspondant plus en gabarit (compact) et en philosophie à la déferlante GTI de l’époque.
Heureusement… j’ai LE catalogue ! Parce qu’à mon avis, l’auto n’ayant vécu qu’un millésime en France, il n’y en a eu qu’une édition. L’exploit principal de l’exercice est quand même d’occulter sur l’ensemble de l’ouvrage le fait que la voiture soit une propulsion ! Il faut dire que dans les années 80, la traction gagne du terrain irrésistiblement, ringardisant inexorablement la propulsion. Est-ce la raison pour laquelle cette poussière a été cachée sous le tapis dans la brochure ?

LE catalogue daté d’avril 1984.
Certes, le peu flatteur essieu AR rigide figure bien dans la fiche technique. Mais aucune trace de la propulsion… (collection personnelle)

Jantes alliage au déport conséquent, assez inhabituelles pour une voiture de série,
pour celle qui s’auto-définit comme « une voiture à conduite virile ». (collection personnelle)

Spoiler, aileron, bas de caisse… aucun incontournable de l’attirail esthétique d’une sportive des années 80 ne manque à l’appel !
Quant à « l’essieu arrière bien guidé », il est… rigide tout simplement ! (collection personnelle)

Une sellerie tri-matière un peu chargée mais plutôt sympa. N’ayant aucune photo d’intérieur dans la Presse,
j’ignore si c’est ce qui était livré en série en France. (collection personnelle)

A contrario des choix de transmission et de suspension, un moteur à la pointe de la modernité pour 1984 avec 4 soupapes par cylindre
et double arbre à cames en tête. 124 ch pour 970 kg, c’était dans la fourchette haute des GTI du moment, plutôt du côté Fiat Ritmo.
(collection personnelle)

Dans ces années-là, les japonaises étaient bien équipées en série et avec peu d’options. (collection personnelle)
L’ironie de l’histoire, c’est que justement c’est la propulsion qui va offrir une seconde vie à la voiture, bien des années après. En effet, cette spécificité qui la prédispose naturellement pour le drift va lui donner des rôles dans plusieurs jeux vidéo, dont le fameux Gran Turismo. Puis cet engouement va se transposer dans la vraie vie et dans les meetings. Légère, dotée d’un moteur « volontaire », elle devient une des stars de la catégorie, avec un fan club nourri qui adule les différentes versions (incluant la carrosserie 2 portes à coffre séparé, inconnue chez nous). La passion ira jusqu’à la demande populaire d’une remplaçante, et il se dit que c’est ce à quoi Toyota accèdera en créant la GT86. Que de chemin parcouru depuis les débuts confidentiels !
Un exemple des multiples vidéos de drift en Corolla Coupé GT AE86 que l’on peut trouver. Surtout, ne me remerciez pas !
(source : youtube.com/@drift_time)
Pour accompagner la Corolla Coupé GT, j’aurais pu choisir le morceau de The Romantics, Talking in your sleep qui est assez raccord en termes de période et d’esprit. J’ai préféré remettre en avant le groupe new wave synth pop britannique The Human League, un peu oublié aujourd’hui mais assez connu à l’époque, notamment pour leur titre phare Don’t you want me. Pourtant, c’est The Lebanon que j’ai souhaité remonter à la surface, car il est arrivé dans les charts français exactement en même temps que fut présentée la voiture, au début de l’été 1984. Les deux sont donc très associés dans ma mémoire.
The Human League était mené par Phil Oakey que l’on a retrouvé dans d’autres occurrences musicales, notamment avec le fameux Georgio Moroder (la B.O. de film Together in electric dreams) qui -pour reboucler sur l’automobile- sera aussi associé dans le projet Cizeta V16. The Lebanon a été écrit en hommage à la guerre civile au Liban, et plus particulièrement aux victimes du massacre de Sabra et Chatila de 1982. On peut y retrouver des relents de New Order pour les vocaux, Nik Kershaw pour les guitares… U2 pour l’ensemble. Et quelle basse en intro ! Encore une œuvre « early 80’s » que j’aime pour sa boucle synthé, et encore un morceau tombé dans l’oubli qu’il était temps de réhabiliter !
Le clip officiel qui permet d’avoir une bonne idée des look du groupe. Pour la petite histoire, il s’agit d’un faux live enregistré en playback avec un public de figurants… Pour profiter pleinement du morceau, je ne saurais que trop vous recommander la version longue 12″.
(source : youtube.com/ )