CITROËN C3 (A8/A31) : BOÎTE(S) À MISÈRES…

Ma capricieuse C3 1.6 16V Sensodrive Bleu Mauritius n’était que figurante sur la photo, mais c’est le seul cliché que j’ai d’une de mes C3 !
(collection personnelle
)

Annoncée par le concept-car C3 Lumière, dessiné par un Donato Coco inspiré, elle a donné pour de bon le départ du renouveau de Citroën dans les années 2000. Après la triste décennie 90 des Peugeot clonées et des produits parfois bons techniquement mais fades par ailleurs, elle accompagna enfin, avec la Xsara Picasso, la stratégie impulsée par Jean-Martin Folz : « Un Groupe, deux Marques », avec un certain succès commercial. J’en ai eu 5.

La C3 (code Projet A8) fut le premier prototype PSA que j’ai découvert (en statique) quelques jours seulement après mon arrivée dans le Groupe en mai 2001. L’auto était proche de ce que la Presse spécialisée avait déjà montré, mais en mieux, comme souvent. Pour l’anecdote, ce fut aussi ma seule occasion de voir les anciens locaux du Style Citroën à Vélizy avant qu’ils ne soient démolis pour laisser la place à l’Automotive Design Network quelques mois ou plutôt années plus tard.

Dès le Mondial de Paris 1998, le concept-car C3 Lumière préfigurait les grandes lignes de la C3 dévoilée 3 ans plus tard.
(source : carstyling.ru)

La voiture de série amena quelque chose de différent et de frais dans le segment, un thème stylistique original et sympathique qui pour certains pouvait évoquer les rondeurs de la 2CV même si l’intention n’était pas forcément celle-là. Elle ne projetait certes pas le dynamisme dont j’aurais rêvé, mais elle pouvait alors répondre aux besoins de mon foyer, et surtout, contrairement à la plus aguicheuse 206 à cette époque, elle était ouverte à la Location avec Option d’Achat, formule dont j’étais friand afin de ne pas avoir à vendre mes autos moi-même et pouvoir en changer régulièrement.

J’en ai donc pris une première à l’automne 2002, 1.6 16V Exclusive Gris alu, ce qui était et restera de plus puissant dans cette gamme. L’auto était sympa comme tout surtout en période de nouveauté, mais elle n’était pas exempte de défauts. Passons sur l’assise de banquette AR qui curieusement n’était pas fractionnable contrairement au dossier. Passons un peu moins vite sur le confort postural qui n’était pas totalement digne d’une Citroën, avec la sensation curieuse d’être assis sur des tabourets en places AV, avec d’un côté, une contre-porte peu accueillante pour le coude, et de l’autre (sur la finition Exclusive) un accoudoir symbolique tellement il était étroit. Ce sur quoi il est difficile de passer, c’est la piètre qualité de la planche de bord. Le grain d’une partie du plastique dur, censé évoquer la peau d’autruche, partait peut-être d’une bonne intention -l’enfer en étant pavé comme chacun sait- mais il ne pouvait répondre qu’à un bloc d’instrumentation du niveau d’un jouet Playskool. L’ensemble, agrémenté de pièces en plastique peint en gris alu sensible aux rayures (aérateurs, poignées de préhension des portes…), ne respirait pas une grande qualité perçue, sans parler des arêtes tranchantes dues à des ébavurages médiocres.

La planche de bord de la C3, avec son combiné digital digne d’un jouet taïwanais ou d’une voiture sans permis,
pourrait être enseignée dans les formations Qualité comme un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. (source : largus.fr)

Et ce n’est pas le moteur qui rattrapait le tableau (de bord) ! Malgré ses 110 chevaux de papier, le 1.6 16V (nom de code TU5JP4 pour les intimes) manquait cruellement de dynamisme et de personnalité. Ce n’est pas non plus faire affront au comportement routier que dire que celui-ci était à l’unisson.

Néanmoins, l’objet remplissant sa fonction première, à savoir déplacer ses occupants, je repris exactement la même (sur stock – pas le choix) en LOA 3 mois plus tard (les locations étaient inhabituellement courtes à cette époque). Puis, à nouveau au bout de 3 mois, j’en repris une, toujours en 1.6 16V Exclusive, mais, histoire de varier les plaisirs, en Bleu Mauritius et surtout, en bon amateur de transmissions automatisées depuis la révélation lors de mon stage chez Audi, avec la toute nouvelle Boîte Manuelle Pilotée Sensodrive. C’est là que les choses se gâtèrent.

Dans les années 90/2000, les argumentaires Vendeurs France réalisés par Michel T. étaient souvent de grands moments
de n’importe quoi créatif. Le lancement Sensodrive fut l’objet d’un morceau d’anthologie en la matière… (collection personnelle
)

Pour refaire brièvement l’Histoire, j’ai un souvenir marquant de début 2003, lors d’une réunion entre des représentants de la Direction Produits Marchés Citroën et les dirigeants du Commerce France, réunion au cours de laquelle fut évoqué avec une inquiétude non feinte le lancement prochain de la nouvelle boîte DSG par le Groupe VW. Pour tenter de rassurer un peu les participants, il avait été question de la réponse Sensodrive elle aussi imminente chez PSA mais on sentait bien que le face à face annoncé n’inspirait la sérénité à personne… à raison.

… continuons dans le « plus c’est gros, plus ça passe… » (source : collection personnelle) 

La boîte Sensodrive a d’emblée souffert de 2 défauts majeurs, que je ne tardais pas à éprouver. D’une part, elle était peu agréable : très lente, hésitante, elle gratifiait les passagers d’un très déplaisant « effet de salut » à chaque passage de deuxième ou troisième rapport, la tête et le buste partant vers l’avant au moment où l’effort de traction était interrompu brièvement, et ce en mode automatique comme en mode manuel. Et puis surtout… avec des refus aléatoires de passer les rapports, les premiers exemplaires n’étaient pas au point, mais alors pas au point du tout ! Tout au long de ces 6 mois émaillés de bugs, j’en ai 2 souvenirs plus particulièrement marquants.

Le premier tombe au plus mauvais moment : c’est le matin de l’enterrement de ma grand-mère, au printemps 2003. Je m’apprête à rejoindre le cortège funèbre qui commence à s’éloigner… et, au moment de quitter la maison familiale, la voiture ne veut rien savoir, elle reste désespérément au point mort. C’est la première fois que ça m’arrive, je n’y comprends rien, et je passe d’interminables instants à me battre avec le levier de sélection tel un fouet à mayonnaise, à couper et remettre le contact, mais rien n’y fait. Finalement, tout aussi inexplicablement, elle se décidera à engager une vitesse et fera comme si de rien n’était.
Le second souvenir, c’est un demi-tour (je sais, c’est mal) dans une rue à double sens très fréquentée de Courbevoie. Au beau milieu de la manœuvre, et alors que l’auto à la perpendiculaire bloque bien la circulation, la boîte ne veut plus rien savoir. Grand et long moment de solitude à manipuler frénétiquement le levier -et la clé de contact, des fois que…- pendant que les autres automobilistes m’attendent sans comprendre, avant que tout ne revienne à la normale comme par miracle…

Catherine D., une de mes collègues de l’époque, vivra elle aussi une expérience mémorable à bord de sa C3 1.4 Sensodrive. Partie en excursion avec son fils en bas âge à Thoiry, parc animalier que l’on peut visiter en semi-autonomie à bord de son véhicule, elle tombera en panne de la même manière mais au beau milieu des lions ! Je ne me rappelle pas exactement comment l’histoire s’est terminée, si ce n’est qu’ils ont dû être secourus, un jour de week-end qui plus est… en tout cas ils ont fini en un seul morceau mais avec un drôle de souvenir !

Argumentaire Vendeurs toujours… Le passage sur « le meilleur de toutes les boîtes… » : un bel exemple de pensée magique !
La Sensodrive perdait quand même plus de 2 secondes sur le 0 à 100 par rapport à la boîte manuelle, une paille…
(collection personnelle
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C’est aussi avec cette C3 que nous remontons du Sud-Ouest vers la Région Parisienne un certain vendredi 1er Août 2003 en fin de journée. Contre toute attente, plus nous allons vers le Nord et vers la nuit, et plus nous voyons la température extérieure monter sur l’afficheur de la planche de bord, jusqu’à atteindre des niveaux affolants, 38°C alors qu’il est déjà 22h en Sologne… Un souvenir qui reste, là aussi, car, nous le comprendrons peu après, c’est le début de la grande canicule.

Rendue au bout de 6 mois (avec son problème de boîte non traité), cette voiture fut remplacée par la même version en Gris Orageux intérieur beige, fin 2003 donc. Ne soyons pas rancunier ! Et puis c’était toujours la seule possibilité à ce moment-là d’avoir une transmission automatisée en LOA… Dans la pratique, fiabilisée, cette Sensodrive ne me posera aucun souci en dehors de son fonctionnement de base inchangé, chaotique et désagréable.

Une fois celle-ci rendue, je suis passé à d’autres voitures, mais les hasards du programme de Location avec Option d’Achat font que j’ai été amené à reprendre une dernière C3 en 2006. Il s’agissait de l’évolution A31 (face lift qui n’apportait vraiment pas grand-chose) en version 1.6 16V BVA (une vraie boîte auto cette fois-ci) Exclusive Gris Fer avec intérieur gris clair, grand toit ouvrant vitré panoramique très agréable, et jantes 16″ (série sur cette version).

La configuration de ma C3 1.6 16V BVA Exclusive, à l’harmonie intérieure près. (source : citroen.com)

La combinaison (inédite et lancée avec A31) entre ce moteur TU5JP4 médiocre et cette boîte automatique AL4 dépassée malgré son ridicule mode séquentiel manuel, était redoutable d’inefficacité. La boîte pompait le peu de puissance disponible, rendant l’auto apathique et nécessitant de « taper dedans » même en ville, au prix d’un appétit gargantuesque digne d’un V8, l’agrément et les sensations en moins. Un peu chargée, sur route, elle donnait en permanence l’impression de chercher le bon rapport, avec des reprises asthmatiques, au point que mon épouse, qui en avait pourtant déjà vu d’autres pour avoir notamment essayé toutes mes autos, et qui était beaucoup plus indulgente que moi, lui décerna, dans un mémorable accès de spontanéité au sommet d’une côte de l’autoroute A20, le titre de « veau, la pire voiture que j’aie jamais conduite ! » Cette distinction lui restera puisque de toutes les autos à suivre, seule sa lointaine descendante C3 PureTech 82 approchera ce niveau d’indigence, mais ceci est une autre histoire.

Je l’attendais au tournant, ma première boîte auto, sur la conso… au point de faire, pour la première fois, des relevés à chaque plein pendant les 7 premiers mois (7 000 km). Je n’ai pas été déçu avec une moyenne de presque 13 litres tous parcours confondus,
et des pointes à 17 litres en ville ! (collection personnelle
)

Elle me fera une alerte incompréhensible de témoin de température d’eau, traitée en garantie. J’ai curieusement reçu un courrier de rappel pour ce motif quelques semaines plus tard… au vu du faible parc, surtout à cette époque, de ce modèle spécifique, je me suis toujours demandé si je n’avais pas été l’initiateur de ce rappel ?

Sa restitution au bout d’une longue année en sa terne compagnie sera une délivrance, surtout pour basculer sur mon excellente C4 HDi 138 BVA, qui me réconciliera avec les boîtes auto sur Citroën…

Comme par hasard, courrier de rappel pour le problème que j’avais connu quelques semaines auparavant.
Vu le faible nombre de C3 1.6 16V BVA, je me suis permis de penser qu’il y avait un rapport de cause à effet… (collection personnelle)

Au final, quel bilan retenir de la C3 ? Elle donnait l’impression paradoxale d’un produit du renouveau auquel il n’avait jamais été accordé assez de moyens, plus particulièrement pendant son développement mais aussi pendant sa vie série, avec, à l’arrivée, une nette insuffisance au niveau qualité qu’elle aura traîné toute sa carrière. Compagne fidèle mais parfois capricieuse, franchement pas dynamique surtout dans ses peu recommandables versions non équipées de boîte manuelle, elle reste associée à divers épisodes de ma vie, témoin d’une époque et plutôt bien dans son époque…

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