23 JUIN 1991 : ET DAVID TERRASSA GOLIATH !

Retour sur de longues années d’efforts, d’engagement(s) et de fidélité aux 24 Heures du Mans pour Mazda, qui ont fini par payer.
Avec la 787B, c’était son et lumière ! (source : mazda.co.uk )

Les cinquante-neuvièmes 24 Heures du Mans, qui promettaient en 1991 une confrontation entre Mercedes, Jaguar et Porsche, connurent un retournement de situation haletant avec le hold-up d’un quatrième convive bien connu qui, contre toute attente, s’invita au festin. Retour sur cette édition pas comme les autres, vécue en bord de piste, et une des voitures qui ont fait la légende du Mans…

J’ai été attiré par les 24 Heures du Mans dès mon plus jeune âge, sans que quiconque puisse dire d’où cela venait. Certainement pas en tout cas de mes parents, ni du reste de ma famille, ni de mes camarades, personne n’éprouvant un intérêt particulier pour l’automobile et encore moins le sport auto. Pourtant, j’ai encore le souvenir de ces week-end de mi-juin à l’occasion desquels, alors que je ne devais avoir que 7 / 8 ans, je faisais des grands tours en courant de notre jardin de Rambouillet, en m’identifiant aux grands garçons qui, en même temps, étaient en train d’avaler les plus de 13 km d’asphalte en Sarthe. J’ai aussi le souvenir de ces voitures miniatures que je ramenais avec fierté dans la cour de l’école primaire : Renault Alpine A442B victorieuse en 1978, Mirage Gulf victorieuse en 1975, Porsche 917K « Martini »…

J’ai encore le souvenir, quelques années après, dans notre maison du Quercy, de suivre la course dans la nuit caché sous les draps, à travers les points radio réguliers de je ne sais plus quelle station en Grandes Ondes. Je me souviens toujours de l’accident des Nimrod Aston Martin qui avait endeuillé l’épreuve, on était en 1984.

C’est donc avec une impatience non feinte que, nanti du feu vert parental, je peux enfin aller voir l’épreuve en vrai, tout seul comme un grand, en 1989 (pour la dernière année de la ligne droite des Hunaudières, mais je ne le sais pas encore). C’est la première fois que je vais en bord de piste et je serai marqué à jamais par la découverte de la puissance sonore des autos en live, qui n’a rien à voir avec ce que retransmet la radio… Dans le genre, les plus démonstratives sont les Aston Martin AMR1 dont les V8 faisaient trembler le sol à chaque passage à la Dunlop… j’aurai eu la chance de les voir courir pour leur « one shot » ! Avant de voir courir en 2025 leurs lointaines descendantes qui s’annoncent tout aussi démonstratives niveau sonore mais dans une toute autre gamme !

Je dois passer mon tour en 1990 pour des raisons estudiantines mais je remets ça avec envie en 1991, dans le même schéma logistique qu’en 1989. A savoir une vraie expédition depuis ma base toulousaine, en solo et en transports (je n’ai pas encore de voiture). Ça commence avec le train de nuit de permissionnaires de Toulouse à La Rochelle (ou Bordeaux ?), puis un train jusqu’au Mans où je débarque samedi matin dans la grisaille et la fraicheur. Le reste du week-end se fait également « à la dure », avec le seul luxe d’une place en tribune. Autant en 1989 j’avais eu la chance du débutant avec une place dans la tribune Dunlop flambant neuve, autant je m’y suis pris un peu plus -trop- tard en 1991, j’ai eu les restes et je suis dans l’antédiluvienne tribune Wimille, en bout de ligne droite des stands, sur des bancs en bois toujours aussi durs après avoir vu défiler des décennies de séants. Je profiterai un peu trop de la réverbération sonore assourdissante pendant la nuit où j’aurai du mal à fermer l’œil, dormant comme en 1989 à la fraiche avec juste une mini couverture. Et ça a beau être mi-juin, il fait froid la nuit au Mans !

Mais la passion aide à surmonter ces désagréments matériels et je suis aux premières loges pour profiter du petit matin et constater la domination de la Mercdes #1 qui pointe en tête. La course ronronne tranquillement, enfin, ronronne… après les retraits prématurés des 905 et des hurlements de leur V10, ce sont les stridentes guêpes japonaises qui mettent l’ambiance ; la Mazda la mieux placée tourne comme une horloge au point de remonter en deuxième place au fil de la course. J’avais déjà remarqué le son du rotatif en 1989, mais là c’est encore plus incroyable, comme si la voiture chantait plus fort. D’où que l’on soit sur le circuit, on entend arriver les 787B de très loin, avec la certitude de ne pas se tromper même à l’aveugle.

Un son reconnaissable entre tous ! (souce : Duke Video)

En plus, ce qui ne gâche rien, c’est que la voiture de pointe, la #55, a une déco des plus visibles et des plus sympathiques, verte et orange dans les tons fluos, ce qui en théorie est juste criard et de mauvais goût, mais qui dans la pratique fonctionne très bien.

Le résumé de la course en français… (source : SpiritOfLeMans)

Bon, la Mercedes #1 de tête a plusieurs tours d’avance, et elle tourne bien aussi… jusqu’à 12h54 où l’impensable se produit ! Elle rentre au stand pour un arrêt non prévu et qui dure. Le public retient son souffle et fait le décompte avec le speaker de l’avance qui fond… 3 tours… 2 tours… 1 tour… Il est 13h04 et la #55 prend la tête ! La clameur du public est phénoménale, tout le monde en bord de piste est conscient de vivre un moment historique. La #1 finira par repartir pour un tour avant de revenir au stand et abandonner. L’ogre allemand est à terre.

… et en anglais ! (source : eurosport.com)

La #55 s’est installée solidement à la tête de la course et elle ne la lâchera plus jusqu’à l’arrivée qui sera un grand moment d’émotion. Première victoire d’un Constructeur japonais et d’un moteur à piston rotatif : l’Histoire s’est écrite devant mes yeux et cette après-midi restera à jamais un de mes plus grands souvenirs automobiles, au point de devenir fan pour toujours de la 787B. Certains évoqueront l’équivalence sportive réglementaire (on ne parlait pas encore de BoP) discutable entre moteurs classiques et rotatif, qui aurait particulièrement favorisé les Mazda cette année-là (la dernière pour ce type d’architecture mécanique) au niveau du poids, mais tous reconnaitront une victoire moralement méritée pour un petit Poucet humble et fidèle de longue date à la course, parti d’en bas, avec humilité et abnégation, pour en arriver à ce triomphe de David contre Goliath.

Définitivement, en ce 23 juin 1991, c’est en bord de piste qu’il fallait être !

Après la victoire, la communauté de fans grandit considérablement. Chaque apparition de la 787B y compris statique suscite l’enthousiasme, ne serait-ce que pour le plaisir jouissif d’entendre les montées en régime du quadrirotor. (source : mymazdarotary.com)

En raison de contraintes pratiques, je ne retournerai plus aux 24 Heures jusqu’en 1996, tout en continuant à les suivre assidument à distance. Par la suite ma passion et mon amour pour cette course me feront y revenir à de nombreuses reprises, jusqu’à passer de l’autre côté du muret. Je vous raconterai ça une autre fois…

Pour commémorer les 20 ans de la victoire, Mazda et l’ACO ont organisé un tour de circuit de la 787B en ouverture des 24 Heures 2011.
J’y étais mais pour le travail et bien occupé ! J’ai entendu l’auto (qui aurait pu ne pas l’entendre ?) mais pas pu la voir rouler !
Johnny Herbert n’avait pas pu être sur le podium en 1991 pour cause d’épuisement, loupé réparé symboliquement en 2011…
(source : mazda.fr)

Last but not least, une vidéo mythique à écouter volume à fond ! En 2011, l’objet et son son n’avaient pas pris une ride…
(source : motorsports car passion)

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